Édition Découverte Compétence 4

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ompétence4 PRATIQUE INFIRMIÈRE ET MÉDICAMENTS

N° 52bis - Avril 2022

Financée par les abonnés, sans publicité ni subvention, sans sponsor ni actionnaire

ÉDITION DÉCOUVERTE

Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) Des effets indésirables graves en cas d’utilisation prolongée

Mucites orales liées à un traitement antitumoral

Constipations d’origine médicamenteuse

■ Cranberry : risque de surdose des antivitamine K ■ Glucagon nasal (Baqsimi°) : utile dans les hypoglycémies avec perte de conscience ■ Infos-Patients : BPCO ■

Compétence 4 • Édition Découverte • Avril 2022 • N° 52bis

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Compétence 4 s’appuie sur Prescrire Des données fiables Les moyens rédactionnels et documentaires de Prescrire permettent de garantir la production de textes solides et fiables. Ces textes ne sont pas rédigés par un seul auteur mais élaborés collectivement par la Rédaction de Prescrire . La Rédaction compte une centaine de rédacteurs, pour la plupart professionnels de santé en exercice. Les rédacteurs sont formés à l’analyse des niveaux de preuves des études scientifiques et aux méthodes rédactionnelles Prescrire . Ils définissent les objectifs, coordonnent les travaux de documentation, d’écriture et d’expertise, organisent les contrôles de qualité internes et externes, et mettent au point la mise en forme finale des textes. Chaque projet est soumis, avant publication, à la critique de nombreux relecteurs extérieurs à la Rédaction. La liste des personnes qui constituent l’équipe de Rédaction de Prescrire et assurent la logistique nécessaire à la mise au point de chaque numéro de Compétence 4 est publiée dans l’“Ours” de Prescrire , disponible à www.prescrire.org/Fr/12/35/ 0/19/About.aspx Des informations indépendantes L’Association Mieux Prescrire est une association à but non lucratif. Elle est entièrement financée par les abonnés aux revues et les participants aux programmes de formation édités par l’Association, sans aucun sponsor, ni publicité, ni subvention. L’Association Mieux Prescrire s’est organisée pour être affranchie des influences des firmes qui fabriquent ou distribuent des produits de santé, comme de celles des organismes officiels du système de soins. Absence de conflit d’intérêts L’absence de lien financier direct ou indirect avec toute firme fabriquant ou distribuant des produits de santé, notamment les firmes pharmaceutiques, est une condition sine qua non d’appartenance à l’équipe de la Rédaction de Compétence 4 et de Prescrire . Les membres de la Rédaction de Compétence 4 et la Rédaction de Prescrire signent chaque année une déclaration personnelle d’absence de conflit d’intérêts, en cohérence avec la Charte “Non merci…” de Prescrire . Ils sont libres de tout intérêt contraire aux objectifs de l’Association Mieux Prescrire. Voir la déclaration d’absence de conflit d’intérêts et la Charte “Non merci...” dans “À propos”, sur le site : www.competence4.org

L’équipe qui élabore les textes de Compétence 4 s’appuie sur les travaux de la Rédaction et les moyens logistiques de Prescrire (lire ci-contre). Responsable de la Rédaction Jérôme Jean (infirmier) Conseil rédactionnel Florence Chapelle (pharmacien), Frédérique Digonnet (pharmacien), Fabienne Jourdan (médecin), Jérôme Sclafer (médecin) Conseil pédagogique Maryse Véron (infirmière) Conseil infirmier Émilie Beslin (infirmière libérale), Cristina Cousino (infirmière libérale), Carole Ouvrard (infirmière libérale), Claire Pananceau (infirmière libérale), Fiona Saurel (infirmière en Ehpad), Céline Siener (infirmière libérale) Lire la présentation de l’équipe de Compétence 4 dans “À propos”, sur le site : www.competence4.org Compétence 4 est une revue mensuelle publiée par l’Association Mieux Prescrire, association à but non lucratif (loi 1901), éditeur de la revue Prescrire et organisme de formation (n° 11 751 711 075). L’article 1 de ses statuts précise le but principal de l’association « Œuvrer, en toute indépendance, pour des soins de qualité, dans l’intérêt premier des patients ». Le bureau de l’association est composé de : Antoine Grandvuillemin (président) ; Alexandre Gelgon (vice-président) ; Dörte Gunthert (trésorière) ; Jérôme Jean (trésorier adjoint) ; Samia Nabi (secrétaire générale) ; Michel Aujoulat (secrétaire général adjoint) Directeur de la publication Antoine Grandvuillemin Direction éditoriale Séverine Carré-Pétraud Compétence 4 Copyright : (ISSN : 2606-5851) Dépôt légal à parution Commission paritaire CPPAP n° : 0125 G 93556. Siège : 83, boulevard Voltaire 75011 Paris France Tél. : (+33)(0)1 49 23 71 65 – Fax : (+33)(0)1 49 23 76 48 Courriel : contact@competence4.org Adresse postale : Compétence 4, 83 boulevard Voltaire 75558 Paris Cedex 11 France Site internet : www.competence4.org Reproduction interdite, sauf pour les abonnés individuels dans le cas d’une diffusion limitée, en petit nombre, à but non commercial. Autres cas : solliciter l’accord écrit de la Direction. Imprimerie - BULLS MARKET GROUP - FABREGUE Bois-Joli - Rue de la Fontaine Tanche 87500 Saint-Yrieix-la-Perche

Signaux d’alarme Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des médi- caments efficaces dont l’emploi est justifié, pendant quelques semaines, dans des reflux gastro-œsophagiens sévères, en cas d’œsophagite ou d’ulcère gastrique ou duodénal. En 1990, lors de la commercialisation du premier IPP en France, l‘Association Mieux Prescrire avait pointé l’absence de données sur ses effets indésirables à long terme. Dès la fin des années 2000, de nombreuses prescriptions d’IPP injustifiées étaient signalées, ainsi que des effets indé- sirables en situation d’utilisations prolongées : fractures et hypomagnésémies symptomatiques. En France, les IPP sont devenus disponibles sans ordonnance. Au fil des années 2010, la liste des effets indésirables des IPP s’est allongée, incitant de plus en plus à ne pas banaliser l’utilisation de ces médica- ments. En 2017, une étude a montré une mortalité plus grande chez les patients prenant un IPP que chez des patients prenant un antihistaminique H2, surtout en cas de prise pendant plus d’un mois. En 2019, il a été rapporté un risque d’interaction mortelle en cas d’association de l’ oméprazole avec le citalo- pram , un antidépresseur. Des millions de patients reçoivent des IPP en France chaque année. Fin 2020, la Haute autorité de santé (HAS) française a tiré le signal d’alarme, appelant à la “déprescription” des IPP (lire p.6-7 “Inhibiteurs de la pompe à protons”). Longtemps occultés, leurs effets indésirables sont maintenant largement connus. Il est temps d’agir. De protéger, d’aider les patients en pesant soigneusement le pour et le contre avant d’instaurer, de renouveler ou de conseiller un IPP. Compétence 4

ÉDITORIAL

C ompétence 4 • É dition D écouverte • A vril 2022 • N° 52 bis • P age 1

Sommaire - Édition Découverte - Avril 2022

ÉDITORIAL Signaux d’alarme

1

COTATIONS DES NOUVELLES SUBSTANCES, INDICATIONS, POSOLOGIES, FORMES, ETC. Notre appréciation globale porte sur le progrès thérapeutique, tangible pour le patient, apporté par la nouveauté : balance bénéfices-risques du médicament par rapport aux autres thérapeutiques disponibles dans une situation précise. BRAVO Appréciation d’exception attribuée à un progrès thérapeutique majeur, d’efficacité et d’intérêt évidents dans un domaine où nous étions totalement démunis. INTÉRESSANT Apporte un progrès thérapeutique important mais avec certaines limites. APPORTE QUELQUE CHOSE L’apport est présent mais limité ; il est à prendre en compte sans toutefois devoir bouleverser le domaine de la thérapeutique considéré.

NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

Nouvelle voie d’administration Glucagon nasal ( baqsimi °) Hypoglycémies avec perte de conscience Risque d’erreurs Lévodopa + carbidopa comprimés ( sinemet °) Maladie de Parkinson Nouvelle évaluation Cranberry forme liquide ou comprimés Récidives d’infections urinaires

3-4

4-5

5-6

Envisager l’arrêt Inhibiteurs de la pompe à protons ( inexium °, lanzor °, mopral °, eupantol °, pariet ° ou autre ) Troubles digestifs

6-7

PRATIQUES DE SOINS

Mucites orales liées à un traitement antitumoral

8-11

VIGILANCES 12-13 Constipations d’origine médicamenteuse 13-14 Vasoconstricteurs décongestionnants : neuropathies optiques ischémiques 14-15 Arrêt du tabac : surdose de certains médicaments 15 Encadré Cytochrome P450 et induction enzymatique

OUVERTURES

ÉVENTUELLEMENT UTILE Intérêt thérapeutique

supplémentaire minime. Il y a peu d’arguments devant conduire à changer d’habitude de prescription en dehors de cas particuliers.

Hydroxychloroquine : deux fois plus d’effets indésirables notifiés dans le monde en 2020 Vaccin papillomavirus chez les jeunes femmes. Moins de cancers invasifs du col utérin chez les femmes vaccinées

16

16

N’APPORTE RIEN DE NOUVEAU Il s‘agit d’une nouvelle substance

sans plus d’intérêt clinique démontré que les autres

COGITATIONS

substances du même groupe, et parfois d’un me-too, voire d’une quasi-copie. PAS D’ACCORD Médicament qui ne présente aucun avantage évident mais qui a des inconvénients possibles ou certains.

Vive la DCI ! -azam, -azépam, -azolam

17

18

Test de Lecture

INFOS-PATIENTS

Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : agir au quotidien

20

LA RÉDACTION NE PEUT SE PRONONCER

PUBLICITÉ À LA LOUPE

Nous réservons notre jugement dans l’attente d’une évaluation plus approfondie du médicament.

C’est vraiment du lourd ? À propos de Ginkgo biloba + heptaminol + troxérutine

21

ompétence4 PRATIQUE INFIRMIÈRE ET MÉDICAMENTS

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N° 51 - Mars 2022

Financée par les abonnés, sans publicité ni subvention, sans sponsor ni actionnaire

Levure de riz rouge Des effets indésirables semblables à ceux des statines

En ligne sur www.compétence4.org ou à l’aide du bulletin dans ce numéro p. 19.

Diabète de type 2 chez un adulte

Compétence 4 • Mars 2022 • Tome 5 • n° 51 • p. 65-96 • 15 euros

Fentanyl par voie buccale ou nasale Mésusages et abus

12 € par mois

■ Émicizumab (Hemlibra°) et hémophilie A ■ Contentions dangereuses au lit ou au fauteuil : surveiller et réévaluer fréquemment la situation ■ Cigarettes électroniques : peut- être un risque accru d’affections respiratoires chroniques ■

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P age 2 • C ompétence 4 • É dition D écouverte • A vril 2022 • N° 52 bis

NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

Nouvelles substances, copies de médicaments, nouvelles modalités d’administration, nouveaux dosages, etc. Autant d’informations en lien avec les médicaments qui vous permettent d’adapter votre pratique infirmière.

NOUVELLE VOIE D’ADMINISTRATION

Glucagon nasal ( baqsimi °) Hypoglycémies avec perte de conscience

soit en flacon (Glucagen°), soit en seringue préremplie (Glucagen Kit°). Administrer du glucagon à un patient diabétique traité par insuline qui fait un malaise non lié à une hypo­ glycémie est sans danger connu (sauf en cas de phéochromocytome associé) (1,3,4). En France, fin 2020, le glucagon est deve­ nu disponible aussi par voie transmuqueuse sous forme de poudre pour pulvérisation nasale avec la spécialité Baqsimi° (3,5). Dans deux essais comparatifs randomisés chez 153 adultes diabétiques traités par insu­ line, la normalisation de la glycémie (critère principal d’évaluation) a été du même ordre dans les groupes glucagon 3 mg administré par voie nasale versus glucagon 1 mg admi­ nistré par voie intramusculaire. Chez les en­ fants, l’évaluation du glucagon administré par voie nasale ne repose que sur des données pharmacocinétiques. Selon un essai chez 36 adultes non diabétiques, la pharmaco­ cinétique du glucagon administré par voie nasale n’est pas modifiée par une congestion de la muqueuse nasale due à un rhume, y compris chez les personnes utilisant un médi­ cament décongestionnant par voie nasale (3,6). Effets indésirables. Le glucagon expose à des : troubles digestifs dont nausées et vomisse­ ments ; céphalées ; hypotensions ou hyper­ tensions artérielles ; tachycardies ; réactions d’hypersensibilité. Dans les essais présentés ci-dessus, l’administration par voie nasale a exposé à davantage de céphalées que la voie intramusculaire (rapportées chez environ 18 % des patients des groupes glucagon nasal versus 9 % de ceux des groupes glucagon intramusculaire), ainsi qu’à des irritations des voies respiratoires (12% versus 1 %), dont congestions nasales, rhinorrhées, toux, et à des irritations oculaires (6 % versus 1 %), dont larmoiements, prurits, rougeurs (1à3,5,6). Administration. Le glucagon en poudre pour pulvérisation nasale est présenté dans un tube scellé facilement transportable sur lequel figure un résumé des instructions d’utilisation et qui contient un pulvérisateur nasal unidose prêt à l’emploi. Ce dernier comporte un embout à insérer dans une narine jusqu’à ce que le doigt

APPORTE QUELQUE CHOSE Un médicament essentiel, sous une forme plus pratique à utiliser en situation d’ur- gence que les formes injectables, notam- ment quand l’entourage n’est pas à l’aise avec les injections. BAQSIMI° - glucagon poudre pour pulvérisation nasale • 3 mg de glucagon par dispositif pulvérisateur unidose (1 dispositif pulvérisateur par boîte) Lilly ■ hyperglycémiant ■ Indication : hypoglycémie sévère chez les patients diabétiques âgés de 4 ans ou plus. [AMM euro­ péenne centralisée] ■ Posologie : une pulvérisation dans une seule narine. ■ Conservation : à température ambiante. ■ Conditions d’accès en France au 8 février 2022 : Liste I. En ville : remboursable à 65 % par la Sécurité sociale Le glucagon est une hormone hyper­ glycémiante qui agit en libérant dans la circu­ lation sanguine le glucose stocké dans le foie sous forme de glycogène. C’est un médicament de choix en cas d’hypoglycémie avec perte de connaissance, chez les patients diabétiques traités par insuline, quand l’apport de glucides par voie orale n’est plus possible. Il permet généralement un retour à la conscience nor­ male en une quinzaine de minutes (1à3). Les hypoglycémies sont parfois mortelles quand elles sont prolongées et profondes. Écourter l’hypoglycémie permet notamment d’éviter une intervention médicale, voire une hospitalisation. Dans ce contexte, en France, le glucagon est disponible sous forme de poudre à dissoudre dans un solvant, pour reconstituer une solution à injecter par voie sous-cutanée ou intramusculaire. Dans ces spécialités injectables, le solvant est présenté À l’hôpital : agréée aux collectivités 1 dispositif pulvérisateur : 58,95 €.

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NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

touche l’extérieur du nez, et un piston sur lequel il faut appuyer jusqu’à disparition de la ligne verte en bas du piston. La notice de Baqsimi° comprend un “manuel d’utilisation” qui ex­ plique de manière claire comment administrer le médicament par voie nasale. Le dispositif se conserve à température ambiante. Le glu- cagon par voie injectable, quant à lui, nécessite des manipulations avant l’administration et se conserve au réfrigérateur (avec une conser­ vation possible à une température ne dépassant pas 25 °C pendant 18 mois pour la spécialité Glucagen Kit°) (4,5). Il est crucial que les personnes de l’entou- rage des patients diabétiques recevant de l’insuline sachent où est stocké le glucagon et comment utiliser le médicament disponible, qu’il soit injecté ou administré par voie nasale.

L’action hyperglycémiante du glucagon étant passagère, une stabilisation durable de la glycémie repose, dès que le patient reprend conscience, sur une prise d’aliments sucrés, puis d’un encas (1,4,5) . ©Compétence 4

Sources 1- Prescrire Rédaction “Hypoglycémies sévères du diabétique insulinotraité : bien utiliser le glucagon” Rev Prescrire 1998 ; 18 (186) : 489. 2- “Glucagon”. In : “Martindale The complete drug reference” The Pharmaceutical Press, London. Site www.medicinescomplete.com consulté le 5 juil- let 2021 : 8 pages. 3 - HAS - Commission de la transparence “Avis Baqsimi” 24 mars 2021 : 38 pages. 4 - ANSM“RCP-Glu- cagen” + “RCP-Glucagenkit” 10 novembre 2020 : 12 pages. 5- EMA “RCP+ notice-Baqsimi” 18 juin 2021 : 33 pages. 6- EMA - CHMP “Public assessment report for Baqsimi. EMEA/H/C/003848/0000” 17 octobre 2019 : 116 pages.

RISQUE D’ERREURS

Lévodopa + carbidopa comprimés ( sinemet °) Maladie de Parkinson

a- Les comprimés à libération prolongée dosés à 100 mg de lévodopa + 25mg de carbidopa n’ont pas été concernés par les rupturesde stock ; ils sont inchangés et ne comportent pas de barre (réf. 2,4). Ainsi, depuis avril 2021, les nouveaux comprimés à libération prolongée de Sinemet° dosés à 200 mg de lévodopa + 50 mg de car- bidopa sont de nouveau disponibles, mais avec une barre ajoutée sur une face. Selon le résumé des caractéristiques (RCP), cette barre n’a « aucune fonction » (2,4). Le RCP précise d’ailleurs que le patient doit « impérative- ment » avaler les comprimés « sans les mâcher, ni les écraser, ni les couper ». Cette barre ex­ pose à ce que des patients la prennent pour une barre de sécabilité, avec pour conséquence une altération de la formulation à libération prolongée par coupure du comprimé ( a )(5,6). Les comprimés à libération simple de Sinemet° dosés à 100 mg de lévodopa + 10 mg de carbidopa comportent depuis 2019 une barre dite de “confort”. Selon le RCP, cette « barre de cassure permet seulement de faci- liter la prise du comprimé [en le coupant] et n’est pas destinée à briser le comprimé en deux doses égales ». Pourtant l’administration de demi-doses (notamment 50 mg/ 5 mg) est utile lors de l’instauration du traitement au début de la maladie (2).

IMBROGLIO DES BARRES SUR LES COMPRIMÉS !

L’association à doses fixes lévodopa + carbi- dopa (Sinemet° ou autre) est un des médica­ ments de référence dans la maladie de Par­ kinson (1). En France, la spécialité princeps Sinemet° est disponible en : – comprimés dosés à 100 mg de lévodopa + 10 mg de carbidopa , et à 250 mg de lévodopa + 25 mg de carbidopa ; – comprimés à libération prolongée dosés à 100 mg de lévodopa + 25 mg de carbidopa et à 200 mg de lévodopa + 50 mg de carbidopa (2). À la fin des années 2010, plusieurs de ces présentations ont fait l’objet de ruptures de stock prolongées. La firme MSD France, titulaire de l’autorisation de mise sur le marché à cette époque, a d’ailleurs été sanctionnée fin 2018 par l’Agence française du médicament (ANSM) pour avoir manqué à ses obligations, c’est-à- dire pour ne pas avoir prévu ni évité la pénurie de ce médicament dit d’intérêt thérapeutique majeur (3). Après un changement d’usine de fabrica­ tion, les présentations manquantes de Sinemet° ont toutes été remises à disposition avec diverses modifications portant sur la forme, la couleur, les excipients et la sécabi lité des comprimés (4).

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NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

Les comprimés à libération simple de Sinemet° dosés à 250 mg de lévodopa + 25 mg de carbidopa ont quant à eux été remis à dis position avec une barre de sécabilité permet­ tant l’administration de demi-doses (soit 125 mg/12,5 mg) (2,4). La gamme de la copie Lévodopa Carbidopa Teva° est plus cohérente : les comprimés à libération simple comportent une barre de sécabilité, qui permet d’obtenir des demi-doses égales ; les comprimés à libération prolongée ne comportent aucune barre (2) . En somme  Barre de sécabilité, barre de confort, barre « sans fonction » pour des comprimés à libération prolongée qu’il ne faut pas couper : voilà de quoi embrouiller les patients et leur entourage, mais aussi les soignants et les aidants.

En 2021, dans l’intérêt des patients, mieux vaut la copie de la firme Teva, dont les comprimés sont mieux conçus, ce qui sécurise les soins.

©Compétence 4

Sources 1- “Sinemet° : disparition des comprimés sécables” Rev Prescrire 2013 ; 33 (361) : 824. 2- ANSM “RCP-Sinemet” 13 avril 2021 + “RCP-Levodopa Carbidopa Teva comprimé sécables +“RCP-Levodopa CarbidopaTeva comprimé à libéra- tionprolongée”28mai 2021 : 70pages. 3- “Premières sanctions de firmes pour pénurie de médicament” Rev Prescrire 2019 ; 39 (431) : 705. 4- ANSM“Sinemet LP200mg/50mg (lévodopa/­ carbidopa) - Remise à disposition etmodification des comprimés - Information pour les patients” 6 avril 2021 + “Sinemet (lévodopa/carbidopa) - Modification des comprimés 100mg/10mg et 250mg/25mg - Information pour les patients” 23mai 2019 : 2 pages. 5- “Vous avez dit sécable ?” Rev Prescrire 2011 ; 31 (338) : 951-952. 6- “Les formes pharmaceutiques pour la voie orale” Rev Prescrire 2014 ; 34 (366) : 270-271.

NOUVELLE ÉVALUATION

Cranberry forme liquide ou comprimés Récidives d’infections urinaires

la prise quotidienne de D-mannose, un sucre éliminé dans les urines, diminue de manière notable la fréquence des récidives. Il n’est pas commercialisé en France comme médicament. Ses effets indésirables semblent être surtout des diarrhées et peut-être des augmentations du taux d’hémoglobine glyquée. En France, le D-mannose est vendu avec le statut de dispositif médical ou de complément alimen­ taire + Lire “D-mannose oral. Infections urinaires” dans Compétence 4 , n° 35, p. 325-326. La consommation quotidienne de cran­ berry, alias canneberge à gros fruits ( Vaccinium macrocarpon ), sous forme liquide ou de com­ primé, est aussi proposée en prévention des récidives de cystite ( a ). Le cranberry contient des oligomères proanthocyanidoliques qui, in vitro, inhibent l’adhérence d’ Escherichia coli aux muqueuses.

PEU EFFICACE ET RISQUE DE SURDOSE D’ANTIVITAMINE K

Les cystites aiguës sont des infections bacté­ riennes de la vessie. Elles sont dites simples quand elles surviennent chez une femme adulte en l’absence de trouble organique ou fonction­ nel de l’appareil urinaire, et en dehors d’une grossesse. Les bactéries en cause sont avant tout des entérobactéries, notamment Escherichia coli . En l’absence de traitement, l’évolution vers une pyélonéphrite aiguë est rare, mais la dispa­ rition des symptômes est souvent lente : environ 50 % des femmes sont asymptomatiques après plusieurs semaines. C’est pourquoi une anti­ biothérapie d’emblée est souvent choisie pour soulager rapidement les symptômes. Après un premier épisode de cystite, 3 % des femmes ont au moins une récidive d’infec­ tion urinaire dans l’année qui suit. On considère qu’une cystite aiguë est récidivante quand au moins deux épisodes surviennent en six mois, ou plus de trois épisodes en un an. La répétition de cystites aiguës simples est inconfortable, mais n’a pas de conséquence délétère démon­ trée sur la fonction rénale, ni d’influence sur la survenue d’une hypertension artérielle. Augmenter les apports hydriques réduit la fréquence des récidives de cystite : environ 1 ou 2 épisodes évités par an en moyenne. Selon des données de faible niveau de preuve,

a- En France, une spécialité à base de cranberry ayant le statut de médicament est autorisée depuis avril 2020 (Ellura°). Son statut de médicament repose sur un simple enregistrement, c’est-à-dire sur la base d’un usage tradi- tionnel (efficacité nondémontrée, profil d’effets indésirables considéré comme acceptable par les autorités de santé). Ce statut apporte plus de garanties quant à la composition et la qualité du processus de fabrication que le statut de complément alimentaire ou de dispositif médical.

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NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

Une efficacité clinique au mieux modeste. En 2006, sur la base de deux essais favorables, le cranberry semblait avoir une efficacité en prévention des cystites aiguës simples chez les femmes jeunes. En 2020, qu’en est-il de l’évaluation de la balance bénéfices-risques du cranberry en prévention des récidives de cystite aiguë simple ? Une synthèse méthodique, mise à jour en 2017, a recensé les essais randomisés versus placebo ou absence de traitement qui ont évalué l’efficacité clinique du cranberry en prévention des récidives de cystite aiguë simple chez des patientes adultes. Sept essais randomisés ont été retenus. Selon ces essais, il semble que traiter quotidiennement environ 20 femmes pendant au moins 6 mois évite la récidive d’infection urinaire seulement à l’une d’entre elles. Un risque de surdose des antivitamine K. Le cranberry expose à une élévation de l’INR chez les patients sous antivitamine K tel que la warfarine (Coumadine°), avec un risque accru d’hémorragies graves. À l’inverse l’arrêt de la prise régulière d’extrait de cranberry expose à une baisse de l’INR, avec un risque

accru de thrombose. Mieux vaut prévenir de ces risques tous les patients traités par anti­ vitamine K, d’autant plus que le cranberry est largement disponible dans divers commerces. En outre, le cranberry expose à des troubles digestifs bénins. Et un risque accru de lithiase rénale a été évoqué. En somme  Il y a mieux que le cranberry. Pour prévenir les cystites aiguës récidivantes, un traitement préventif par cranberry est peu efficace. D’après une comparaison indirecte de faible niveau de preuves, l’efficacité pré­ ventive du D-mannose paraît plus importante, avec peu d’effets indésirables, ce qui en fait l’option de premier choix, malgré l’absence de commercialisation comme médicament, quand un traitement préventif est jugé sou­ haitable pour éviter des antibiothérapies ré­ pétées. Les patients traités par antivitamine K sont à avertir du risque d’interaction avec le cranberry. ©Compétence 4

Rev Prescrire 2021 ; 41 (448) : 132-133.

Sources

ENVISAGER L’ ARRÊT

Inhibiteurs de la pompe à protons ( inexium °, lanzor °, mopral °, eupantol °, pariet ° ou autre ) Troubles digestifs

À NE PAS CONSEILLERTROPVITE

naires ; fractures osseuses, myalgies, arthral­ gies ; hyponatrémies, hypomagnésémies et hypocalcémies associées ; néphropathies inter- stitielles d’origine immunoallergique ; etc. Par ailleurs des données portant sur environ 350 000 patients suivis pendant presque 6 ans ont montré une augmentation de la mortalité, corrélée à la durée de l’exposition, chez les patients prenant un IPP par rapport à ceux qui prenaient un antihistaminique H2 (1,2). Une utilisation excessive depuis des années en France. Selon diverses données s’étalant sur la période 2015-2020, les IPP sont fortement prescrits en France, et leur mésusage est im­ a- Il s’agit de : l’ésoméprazole (Inexium° ou autre), le lanso- prazole (Lanzor°, Ogast°, Ogastoro° ou autre), l’oméprazole (Mopral°, Zoltum° ou autre), le pantoprazole (Eupantol°, Inipomp° ou autre), le rabéprazole (Pariet° ou autre) (réf. 1).

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) diminuent la sécrétion gastrique acide par inhibition de la pompe à protons au niveau de la paroi gastrique. Ils sont autorisés dans des : œsophagites ; reflux gastro-œsophagiens (RGO) ; ulcères gastroduodénaux, y compris en prévention chez certains patients à risque ( a ). À court terme, leurs effets indésirables sont bénins et peu fréquents, avec surtout des céphalées et des troubles digestifs. Après quelques semaines de traitement, l’arrêt d’un IPP expose à un rebond d’acidité gastrique, source de régurgitations acides et de brûlures digestives qui incitent à reprendre le traite­ ment. Une prise prolongée d’IPP expose à de nombreux effets indésirables parfois graves : infections bactériennes, digestives ou pulmo­ naires ; fractures osseuses, myalgies, arthral

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NOUVEAUTÉS DES MÉDICAMENTS

portant. Ainsi, en 2015, près de 16 millions de patients se sont vu prescrire et dispenser au moins une fois un IPP. Ce chiffre ne prend pas en compte les IPP dispensés sans ordonnance et non remboursés. Le mésusage concernerait 40 % à 80 % des patients, avec : chez près de 80 % des patients, une prescription en asso­ ciation avec un anti-inflammatoire non stéroï­ dien (AINS) en prévention d’un ulcère gastrique ou duodénal, chez des patients sans facteur de risque ; des doses supérieures aux doses maximales préconisées dans les résumés des caractéristiques (RCP) ; des traitements “au long cours” chez un patient sur cinq (1à4). Maintien du remboursement, incitation à la “déprescription”. Dans ce contexte, en 2020, la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) a réévalué le service médical rendu (SMR) des IPP, chez les adultes et chez les enfants. Elle a conclu que leur SMR reste“important” dans les indications de l’auto- risation de mise sur le marché (AMM). La Com­ mission a pris en compte « la place confirmée et majeure des IPP dans la stratégie thérapeu- tique des ulcères gastro-duodénaux et du RGO » ; et elle s’est montrée défavorable à une limitation de leur durée de remboursement (2,5). Toutefois, la HAS s’est prononcée pour qu’« une dynamique de “déprescription” » des IPP soit engagée en priorité, avec des actions de communication auprès de profes­ sionnels de santé et des patients (2,6).

En somme  La démarche de la HAS visant à limiter l’utilisation des IPP, et à envisager leur arrêt, est bienvenue. Elle est justifiée du fait des divers effets indésirables graves des IPP, et de l’augmentation de mortalité constatée en lien avec la durée d’exposition. Mieux vaut ne pas conseiller trop vite un IPP, et informer des risques auxquels ils exposent en cas de prise prolongée. Lors de l’arrêt d’un IPP, l’utilisation d’un anti­ acide est à envisager afin de passer la période à risque de rebond d’acidité gastrique. Un anti- acide peut aussi éviter de commencer un trai- tement par IPP.

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Sources 1- “Inhibiteurs de la pompe à protons : augmenta- tion de la mortalité” Rev Prescrire 2018 ; 38 (420) : 749- 751. 2- HAS “Les IPP restent utiles mais doivent être moins et mieux prescrits - communiqué de presse” 12 novembre 2020 : 5 pages. 3- Assurance maladie “Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses - propositions de l’Assurancemaladiepour 2020” juillet 2019 : 260pages. 4- ANSM “Utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons - Étude observationnelle à partir des données du SNDS, France, 2015” décembre 2018 : 78 pages. 5- HAS - Commission de la trans- parence “Avis-Mopral, Zoltum + Oméprazole Arrow injectable + Oméprazole Mylan injectable + Inexium + Lanzor + Ogast, Ogastoro + Eupantol, Inipomp + Pariet” 16 septembre 2020 : 97 pages. 6- HAS “Fiche de bon usage du médicament “Bon usage des inhibiteurs de la pompe à protons” - Note de cadrage validée le 12 novembre 2020” 29 décembre 2020 : 8 pages.

ACTUALITÉS COVID-19

Retrouvez les dernières actualités liées à la pandémie de covid-19 sur le site de Compétence 4 : – “Injections intramusculaires conjointes de tixagévimab et cilgavimab (Evusheld°) en prévention pendant 6 mois de la maladie covid-19“ (Avril 2022) – “Sotrovimab (Xevudy°) et covid-19 : moins d’hospitalisations chez des patients à risque modéré de forme grave et non vaccinés (Mars 2022) – “Covid-19 : nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid°) chez certains patients à risque de forme grave” (Mars 2022) – “Covid-19 et masque, chirurgical ou FFP2 : l’ajustement au visage et l’évaluation clinique comme limites importantes” (Février 2022) – “Dose de rappel de vaccin covid-19 : une efficacité clinique démontrée dans un contexte de variant Delta, sans nouveau signal d’effets indésirables” (Janvier 2022)

Toutes les actualités sur www.competence4.org

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PRATIQUES DE SOINS

Connaître, pour une affection donnée, les signes ou symptômes à surveiller, des conseils non médicamenteux, les traitements de premier choix et ceux à écarter.

Mucites orales liées à un traitement antitumoral

POINTS-CLÉS

● Les mucites orales sont un effet indési­ rable fréquent de certains traitements anti­ tumoraux. Elles exposent les patients à des douleurs parfois intenses, des dénutritions, des déshydratations et des infections. ● La prévention des mucites orales repose avant tout sur des soins buccodentaires L es mucites orales (alias stomatites) sont des inflammations de la muqueuse buc- cale, souvent associées à des inflamma- tions de la muqueuse pharyngée. Il s’agit d’un effet indésirable fréquent de certaines chimiothérapies antitumorales et de certaines radiothérapies (1). Les mucites orales sont dites graves quand elles provoquent des douleurs intenses et empêchent de manger ou de boire (1,2). Ne sont pas abordés dans cette situation pratique : les mucites orales chez les femmes enceintes ou qui allaitent ; le traitement des complications infectieuses et hémorragiques des mucites orales.

avant et pendant le traitement antitumoral. Sucer des glaçons lors d’une chimiothéra­ pie à risque de mucites réduit la fréquence des mucites orales graves. ● En cas de douleurs, le traitement de premier choix est le paracétamol , voire la morphine en cas de douleurs intenses.

Facteurs de survenue

Fréquence et gravité variables selon les traitements anti­ tumoraux et selon l’état bucco­ dentaire. Les traitements anti­ tumoraux qui exposent à des mucites orales fréquentes ou graves sont surtout : – une radiothérapie de la tête et du cou ; – une radiochimiothérapie avant une greffe de cellules souches ; – une chimiothérapie avec un cytotoxique tel que la bléomycine , la cytarabine , la doxorubi- cine , l’ étoposide à dose élevée, le fluorouracil administré en bolus, le melphalan , le métho- trexate ; – une chimiothérapie avec des antitumoraux ayant un effet antifacteur de croissance épi- dermique tels que le géfitinib (1à6). Les mucites orales semblent plus fré- quentes en cas d’association de plusieurs traitements antitumoraux ou de surdose (1,2). Le risque de mucite orale dépend aussi de la technique de radiothérapie : il est réduit avec la radiothérapie tridimensionnelle (1). La fréquence des mucites orales liées à un traitement antitumoral est accrue en cas de : – mauvais état buccodentaire ; – caries ; – maladie parodontale* ; – sécheresse buccale ; – mauvais état nutritionnel (2,7).

Reconnaître

Lésions douloureuses de la bouche et difficultés à avaler. Les mucites orales se manifestent par :

– des sensations de brûlure ; – des douleurs parfois intenses ; – des troubles de la voix (dysphonie) ; – des difficultés et des douleurs à la déglutition (dysphagie et odynophagie) (1). Selon leur gravité, les mucites orales sont caractérisées par : – une rougeur accentuée (érythème) ; – des lésions blanches qui font saillie et qui pèlent ; – des ulcérations superficielles isolées ; – des ulcérations profondes étendues (1,2).

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PRATIQUES DE SOINS

– lubrification des lèvres avec de la vaseline ; – stimulation salivaire par des bonbons ou des gommes à mâcher sans sucre (1). Il semble utile d’éviter les substances, boissons et aliments qui dessèchent ou irritent la muqueuse buccopharyngée ou nécessitent une mastication importante, notamment : tabac, alcool, boissons acides, aliments très chauds, épices, chips (1,8). Sucer des glaçons a une efficacité démontrée pour réduire la fréquence des mucites orales graves chez les patients traités par le fluoro­ uracil administré en bolus, ou par le melpha- lan . Il semble utile de proposer aussi aux patients traités par d’autres chimiothérapies qui exposent à des mucites orales de sucer des glaçons avant, pendant, voire au-delà de l’administration de l’antitumoral (1,2). Sucer des glaçons expose à des effets in- désirables qui semblent minimes : sensations d’engourdissement de la bouche, céphalées (1). Non médicamenteux Sucer des glaçons Chimiothérapie

Évolution

Mucites orales graves : entraves à la bonne conduite du traite­ ment antitumoral. Les mucites orales apparaissent environ 1 à 2 se- maines après le début du traitement antitumoral en cause (1). En général, elles guérissent spontanément en 2 à 4 semaines après la fin de ce traitement (1). Dans les formes graves, les mucites orales exposent à des dénutritions, des déshydrata- tions et des hémorragies, notamment en cas de thrombopénie associée. Des infections locales, fongiques (notamment par Candida albicans ), virales ou bactériennes surviennent parfois, surtout en cas de neutropénie. Elles exposent à des septicémies (1,2). Lesmucites orales graves conduisent parfois àmodifier le protocole du traitement antitumoral en cours, notamment à retarder l’administration, réduire la dose, voire arrêter le traitement (1).

Traitements

Non médicamenteux Accessoires de protection

La prévention des mucites orales avant ou pendant un traitement antitumoral repose sur des mesures autres que médicamenteuses (1). Aucun traitement n’a d’efficacité démontrée pour accélérer leur guérison (1). En cas de douleurs, les traitements sym­ ptomatiques de premier choix sont des antal- giques non spécifiques (1).

Radiothérapie En cas de radiothérapie, des accessoires de protection (alias caches) visent à épargner les tissus non cancéreux et semblent diminuer la fréquence des mucites orales, sans avoir à modifier la dose de rayons à administrer (1).

Soulager les douleurs en cas de mucite orale

Prévenir les mucites orales

Non médicamenteux Soins et hygiène buccodentaires

Médicamenteux Paracétamol Lors de douleurs légères à modérées,

Avant un traitement antitumoral, des soins buccodentaires semblent efficaces en préven- tion des mucites orales : – extraction des dents délabrées ; – soins des dents cariées ; – soins des traumatismes liés aux prothèses ; – détartrage (1,2). Au cours du traitement antitumoral, il semble utile de maintenir les mesures habi- tuelles d’hygiène buccale : – brossage régulier des dents ; Des mesures empiriques visent à prévenir les traumatismes de la bouche ou à stimuler la fonction salivaire : – utilisation d’une brosse à dents souple ; – port des prothèses dentaires seulement au moment des repas ; – rinçages buccodentaires ; – hydratation suffisante (1).

le paracétamol est le médicament sym­ ptomatique de premier choix. À posologie adaptée, il expose à moins d’effets indésirables que d’autres antalgiques non spécifiques, notamment les anti-inflammatoires non sté- roïdiens ou les opioïdes (9). À posologie adaptée, les effets indésirables du paracétamol sont rares : surtout des réac- tions d’hypersensibilité. Le principal risque auquel expose le paracétamol est lié aux surdoses, à l’origine d’atteintes hépatiques graves et parfois d’atteintes rénales aiguës (10). Chez les adultes, le paracétamol par voie orale est à prendre à raison de 500 mg à 1 000 mg par prise, sans dépasser 4 000 mg par jour (11). Chez les adultes pesant moins de 50 kg, la dose par prise est à limiter à 15 mg/kg, sans dépasser 60 mg/kg par jour (11).

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PRATIQUES DE SOINS

La toxicité hépatique du paracétamol est augmentée chez certains patients, notamment en cas d’affection hépatique, de consommation importante d’alcool ou de prise d’un médica- ment qui accélère le métabolisme du paracé- tamol (certains antiépileptiques ou le mille- pertuis par exemple). Chez ces patients adultes, il est prudent de ne pas dépasser 3 000 mg de paracétamol par jour, voire 2 000 mg chez ceux qui pèsent moins de 50 kg (10,11). En cas de douleurs intenses d’emblée ou qui résistent au paracétamol , la morphine à la dose minimale efficace est une alternative, avec une balance bénéfices-risques qui semble au moins aussi favorable que celle d’un opioïde dit faible (12). Quand la voie orale n’est pas acceptable, la morphine est à administrer par voie intra­ veineuse ou sous-cutanée, éventuellement en analgésie autocontrôlée par le patient (1,13). Le profil d’effets indésirables des opioïdes comporte surtout des troubles digestifs fré- quents, notamment nausées, vomissements, constipations, et des troubles neuropsychiques fréquents dont somnolences, confusions et sensations vertigineuses (14). Pour limiter le risque de constipation, di- verses mesures sont à adopter d’emblée, notamment : apport accru en fibres et, parfois, utilisation d’un laxatif (15). Les symptômes de surdose d’opioïde sont une dépression respiratoire, voire un arrêt respiratoire, et une hypotension artérielle, des convulsions, un coma, une rhabdomyolyse, un œdème pulmonaire (14). Les opioïdes exposent à des interactions médicamenteuses, notamment par addition d’effets indésirables avec des médicaments sédatifs ou avec des médicaments qui consti- pent (14). Les opioïdes ou certains de leurs métabo- lites actifs sont éliminés par voie rénale. Une insuffisance rénale, notamment causée par des médicaments tels que les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les sartans ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), expose à une augmentation des effets indésirables des opioïdes (14). Médicamenteux Morphine Les anesthésiques locaux tels que la lidocaïne semblent avoir une efficacité antalgique tem- poraire en cas de mucites orales (1). Les effets indésirables des anesthésiques locaux oropharyngés semblent minimes en usage ponctuel. Les conséquences de leur Médicamenteux Anesthésique local

Traitements à écarter en cas de mucites orales liées à un traitement antitumoral

Amifostine. L’ amifostine , un médicament dit cyto­ protecteur, expose à des réactions cutanées graves, par- fois mortelles, et à des hypotensions artérielles lors de la per- fusion, effets indésirables disproportionnés en regard de sa faible efficacité en prévention des mucites orales causées par la radiothérapie (1,19,20). Corticoïdes en solution pour bains de bouche ou sous forme de pastilles à sucer. Les cortico­ ïdes en solution pour bains de bouche ou sous forme de pas- tilles à sucer sont mal évalués dans le traitement des mucites orales et augmentent le risque d’infection, notamment de can- didose (1,21). Fentanyl en comprimé sublingual ou gingi­ val et en film buccal. Le fentanyl , un antalgique opioïde, en comprimé sublingual ou gingival, ou en film buc- cal, expose à des atteintes buccodentaires et à des aggrava- tions des mucites orales (22,23). En cas de mucite orale, un risque de surdoses avec les formes buccales de fentanyl est à prévoir (24).

absorption par une muqueuse lésée sont mal connues. Les risques augmentent avec la ré- pétition des applications et la quantité appli- quée, en partie ingérée. Les anesthésiques locaux exposent à des sensations de brûlure et à des troubles du goût, à des fausses routes par anesthésie du carrefour oropharyngé, à des réactions d’hypersensibilité, à des méthémo- globinémies*. Ils perturbent parfois la cicatri- sation des plaies (16à18).

Non médicamenteux Bains de bouche

En cas de mucites orales, des bains de bouche avec du sérum physiologique ou une solution de bicarbonate de sodium sont des op- tions (1,2).

Situations particulières

Enceinte ? Situation non abor­ dée ici. Les mucites orales chez les femmes enceintes ne sont pas abor- dées dans cette situation pratique. ©Compétence 4

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PRATIQUES DE SOINS

Sources 1- Prescrire Rédaction “Mucites orales dues aux traitements anticancéreux : hygiène buccodentaire et glaçons à sucer” Rev Prescrire 2007 ; 27 (282) : 286-289. 2- Negrin RS et coll. “Oral toxicity associated with chemotherapy” UpToDate2020. 3- PrescrireRédaction“Palifermine - Kepivance°. Prévention desmucites orales : une évaluation inadaptée” Rev Prescrire 2007 ; 27 (282) : 256. 4- Prescrire Rédaction “Méthotrexate” InteractionsMédicamenteuses Prescrire 2021. 5- Prescrire Rédaction“Fluorouracil : erreurs de dose avec des pompes à perfusion” Rev Prescrire 2014 ; 34 (367) : 350. 6- Prescrire Rédaction “Inhibiteurs de tyrosine kinases liées à l’EGFR : géfitinib, etc.” Interactions Médicamenteuses Prescrire 2021. 7- Prescrire Rédaction “Le syndrome de Gougerot- Sjögren : généralement bénin mais parfois très gênant” Rev Prescrire 2005 ; 25 (258) : 127-130. 8- GallowayT et coll.“Mana- gement and prevention of complications during initial treatment of head and neck cancer” UpToDate 2020. 9- Prescrire Rédac- tion“Patients traités par antalgique non spécifique” Interactions Médicamenteuses Prescrire 2021. 10- Prescrire Rédaction “Paracétamol” InteractionsMédicamenteuses Prescrire 2021. 11- “Paracétamol” Répertoire commenté des médicaments, site www.cbip.be/fr, octobre 2020. 12- Prescrire Rédaction “Les antalgiques opioïdes dits faibles. Codéine, dihydrocodéine, tramadol : pas moins de risques qu’avec la morphine” Rev Prescrire 2015 ; 35 (385) : 831-838. 13- Prescrire Rédaction “Savoir utiliser les antalgiques en fin de vie chez les adultes. Priorité à la qualité de la fin de vie” Rev Prescrire 2011 ; 31 (333) : 517-523. 14- Prescrire Rédaction “Opioïdes : morphine, etc.” InteractionsMédicamenteuses Prescrire2021. 15- Prescrire Rédaction “Constipations d’origine médicamenteuse chez les adultes” Rev Prescrire 2012 ; 32 (344) : 430-435. 16- Prescrire Rédaction “Chlorhexidine associée : Eludril° solution” Rev Prescrire 1996 ; 16 (161) : 266. 17- PrescrireRédaction“Lidocaïne buccale 1 % : gare aux surdoses avec d’autres anesthésiques locaux en automédication” Rev Prescrire 2011 ; 31 (333) : 505. 18- Prescrire Rédaction “Retards de cicatrisation causés par des médicaments” Rev Prescrire 2012 ; 32 (350) : 911-916. 19- Prescrire Rédaction“Réactions cutanées graves et amifos- tine” Rev Prescrire 2003 ; 23 (239) : 347. 20- PrescrireRédaction “Amifostine - Ethyol°. RadiothérapieORL : une place à confirmer pour lutter contre la sécheresse buccale” Rev Prescrire 2000 ; 20 (209) : 579-582. 21- Prescrire Rédaction “Corticoïdes voie générale” Interactions Médicamenteuses Prescrire 2021. 22- Prescrire Rédaction “Fentanyl comprimés sublinguaux - Recivit°. Pics douloureux : la coupe est pleine !” Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 814. 23- Prescrire Rédaction “Fentanyl films buccaux - Breakyl°. Pics douloureux : forme buccale, sans progrès” Rev Prescrire 2013 ; 33 (356) : 413. 24- Prescrire Rédaction“Les copies dumois - fentanyl par voie transmuqueuse buccale : les différentes formes ne sont pas bioéquivalentes” Rev Prescrire 2020 ; 40 (442) : 586-587.

GLOSSAIRE Les termes expliqués de façon concise dans ce glossaire sont signalés dans le texte par un astérisque (*) maladie parodontale : alias parodontopathie, atteinte des tissus de soutien des dents, qui provoque la destruction et parfois la chute des dents. méthémoglobinémie : excès dans le sang de mé- thémoglobine, forme oxydée de l’hémoglobine dans laquelle le fer, passé à l’état ferrique, a perdu son pouvoir de fixer l’oxygène. amifostine – F CH ETHYOL° ; B (—) bléomycine – F BLEOMYCINE BELLON° ; B BLEOMYCINE SANOFI° ; CH BLEOMYCINE BAXTER° cytarabine – F ARACYTINE° ou autre ; B CH CYTOSAR° ou autre doxorubicine non liposomale alias hydroxydaunorubicine – F ADRIBLASTINE° ou autre ; B ADRIBLASTINA° ou autre ; CH ADRIBLASTIN RD° ou autre étoposide oral – F CELLTOP° ou autre ; B CH VEPESID° ou autre fentanyl transmuqueux buccal – F ABSTRAL°, ACTIQ°, EFFENTORA° ou autre, BREAKYL°, RECIVIT° ; B (—) ; CH ACTIQ°, EFFENTORA° fluorouracil – F CH FLUOROURACILTEVA° ou autre ; B FLURACEDYL° ou autre géfitinib – F B IRESSA° ou autre ; CH IRESSA° lidocaïne gel buccal – F XYLOCAINE VISQUEUSE° ; B (—) ; CH DYNEXAN° melphalan – F ALKERAN° ou autre ; B CH ALKERAN° méthotrexate oral – F IMETH°, NOVATREX° ; B LEDERTREXATE° ; CH METHOTREXATE PFIZER° ou autre millepertuis – F ARKOGELULES MILLEPERTUIS° ou autre ; B HYPERIPLANT° ; CH JARSIN° ou autre Noms commerciaux des médicaments en France F , Belgique B et Suisse CH

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VIGILANCES

Être informé-e des effets des médicaments, pour les repérer et s’interroger sur l’éventuelle cause médicamenteuse d’une affection.

Constipations d’origine médicamenteuse Identifier les médicaments qui aggravent une constipation pour proposer une éventuelle adaptation de l’alimentation ou prévoir un recours à un laxatif.

L a constipation correspond à un ralentisse- ment du transit intestinal. Elle est couram- ment définie par une diminution de la fréquence des selles espacées de plus de 2 jours ou 3 jours, avec difficulté d’exonération et des selles dures. En dehors de tout trouble, le transit varie lar- gement d’une personne à une autre. Plus de 90 % des constipations de l’adulte sont dites primaires c’est-à-dire sans maladie sous-jacente. Les constipations sont le plus souvent sans conséquence grave mais source de plaintes et d’inconfort. Leurs complications sont rares. Chez les personnes âgées, alitées, en fin de vie ou qui ont une maladie sous-jacente, les constipations sont plus fréquentes et se compliquent parfois de fécalomes, d’impac- tions fécales, et d’occlusions intestinales alias iléus. Les constipations sont le plus souvent sans cause apparente. Diverses circonstances exposent à un risque accru de constipation : la sédentarité, une alimentation pauvre en fibres, des contraintes horaires impliquant un retard de présentation à la selle, la grossesse, etc. Parfois, la constipation est liée à une ma- ladie organique, à une compression ou une obstruction intestinale, ou à une diminution de la motilité intestinale liées à des troubles neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, paraplégie, neuropathie périphé- rique notamment diabétique, etc.), une chirur- gie abdominale, des troubles endocriniens ou hormonaux tels qu’une hypothyroïdie, etc. Chez les patients âgés ou alités, une dimi- nution de la motilité intestinale est parfois à l’origine d’un durcissement progressif des matières fécales, ce qui aboutit à la formation d’un fécalome ou d’une impaction fécale dans l’anse sigmoïde du côlon ou dans l’ampoule rectale, d’évolution parfois mortelle. Chez les patients en fin de vie, la tendance à la consti- Conséquences cliniques Facteurs de survenue

pation est souvent aggravée par l’exposition à des opioïdes. Un médicament expose d’au- tant plus à des constipations que d’autres causes de constipations sont déjà présentes.

De très nombreux médicaments en jeu

De très nombreux médicaments provoquent des effets indésirables digestifs non spécifiques tels que des constipations. Les médicaments qui aggravent une consti- pation voire exposent à une occlusion ou un iléus sont principalement : les médicaments qui ralentissent le péristaltisme intestinal par effet atropinique ou non, ceux qui entraînent une altération de l’innervation intestinale, ceux qui exposent à une obstruction du tube diges- tif et ceux qui exposent à une déshydratation, une hypokaliémie. • Les médicaments atropiniques, alias anti- cholinergiques, ralentissent le péristaltisme intestinal. Il s’agit pricipalement de : − certains antiparkinsoniens tels que le bipé- ridène , le trihexyphénidyle , la tropatépine , et dans une moindre mesure l’ amantadine ; − des antalgiques tels que le néfopam , le tié- monium , le clidinium ; − des médicaments utilisés des les inconti- nences urinaires par impériosité tels que l’ oxybutinine , le flavoxate , la solifénacine , la toltérodine , la fésotérodine , le trospium ; − des antihistaminiques H1, antitussifs tels que l’ oxomémazine ; − les antidépresseurs impraminiques tels que l’ amytriptyline ; − des antiémétiques neuroleptiques tels que la dompéridone , le métoclopramide , la méto- pimazine ; − de nombreux neuroleptiques tels que la clozapine , la loxapine ou le pimozide ; − etc. • Les médicaments non atropiniques qui ralentissent le péristaltisme intestinal sont principalement : − les opioïdes : ceux utilisés dans les dou- leurs comme les opioïdes forts (la morphine ,

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