Edition Découverte 2025
OUVERTURES
Travail de nuit : de plus en plus de femmes concernées
Des intoxications domestiques lors de mélanges d’eau de Javel avec une substance acide
Selon une étude de Santé publique France, entre 1982 et 2015, le travail de nuit régulier est devenu de plus en plus fréquent, en particulier chez les femmes. En 2019, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a confirmé le classement du travail de nuit (effectué entre minuit et cinq heures du matin) comme cancérogène probable, en raison d’un lien avec divers cancers : du sein, de la prostate, du côlon et du rectum. Le travail de nuit a d’autres effets délétères sur la santé, avérés ou probables, dont des troubles du sommeil, une baisse des performances cognitives, et il expose à un risque accru d’obésité et de maladies coronariennes (1). Pour la première fois en France, en janvier 2023, une ancienne infirmière a obtenu que son cancer du sein soit reconnu comme maladie professionnelle, en lien avec un travail de nuit sur une durée de 28 ans (2). Santé publique France a analysé l’évolution du travail de nuit en France de 1982 à 2015 (3,4). Pendant cette période d’environ 35 ans, la part des travailleurs concernés par le travail de nuit (régulier ou occasionnel) a légèrement augmenté, passant de 15,8 % en 1982 (soit 3,7 millions de travailleurs) à 16,4 % en 2015 (4,4 millions) (3). Chez les hommes, la part est restée relativement stable, environ 22 %. Chez les femmes, elle a progressé de 7,7 % à 10 %, en raison, selon les auteurs, de la part plus importante de femmes travaillant (+37 %). Une autre raison avancée est la suppression, après 2001, des restrictions sur le travail de nuit des femmes, pour se conformer au droit européen fondé sur l’égalité profes- sionnelle entre les hommes et les femmes (3,4). Ainsi, en 2015, dans la police et l’armée, 90 % des hommes étaient amenés à travailler la nuit, mais aussi 60%des femmes (3). La part du travail de nuit régulier dans le travail de nuit global a presque doublé : de 24 % en 1982 à 42 % en 2015 (4). Chez les hommes, elle est passée de 5,2 % à 9,3 % (1,3 million d’hommes), chez les femmes de 1,8 % à 4,5 % (581 000 femmes) (3,4). En 2015, les travailleurs de nuit réguliers étaient majoritairement employés dans le secteur des services, notamment transport et santé : des hommes dans 63 % des cas versus 47 % en 1982, et des femmes dans 90 % des cas versus 83 % en 1982 (3). ©Compétence 4 Sources 1- “Le travail de nuit “cancérogène probable”” Rev Prescrire 2021 ; 41 (454) : 624-626. 2- Le Romanser A “Le cancer du sein d’une ancienne infirmière reconnu commemaladie professionnelle”.Sitewww.liberation.fr consulté le 29mars 2023 : 3 pages. 3- Houot MT et coll. “A 34-year overview of night work by occu pation and industry in France basedon census data and a sex-specific job-exposure matrix” BMC Public Health 2022 Jul 29 ; 22 (1) : 11 pages. 4- “Un panorama de l’évolution du travail de nuit en France sur 34 ans par profession et secteur d’acti vité…”. Site www.santepubliquefrance.fr consulté le 4 avril 2023 : 7 pages.
Des mélanges de produits ménagers à base d’eau de Javel avec une substance acide (vinaigre, détartrant, acide chlorhydrique, etc.) dégagent du chlore gazeux, à l’origine d’atteintes respiratoires parfois graves. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et les centres antipoison ont mis en garde contre les mélanges d’eau de Javel (solution aqueuse d’hypochlorite de sodium) avec une substance acide lors d’usages domestiques, notamment pour le désherbage (1).À la suite de l’interdiction de commercialisation des pesticides à usage domestique en 2019, de plus en plus de personnes recourent à des mélanges de produits ménagers dont les recettes sont diffusées sur internet et les réseaux sociaux, en particulier des mélanges d’eau de Javel avec du vinaigre. Entre le 1 er janvier 2001 et le 31 octobre 2022, les centres antipoison ont recensé 204 personnes ayant inhalé du chlore gazeux dégagé par ce mélange, réalisé à des fins de désherbage. La plupart des intoxications ont été recensées depuis 2019, ce qui coïncide avec le recours à de tels mélanges pour remplacer les pesticides à usage domestique (1). Les symptômes rapportés étaient le plus souvent une toux (81 %), une difficulté respiratoire (50 %), une irritation de la sphère ORL ou des voies respiratoires (46 %) (1). Pour près de la moitié des personnes, l’intoxication a nécessité des soins médicaux ; 5 personnes ont été hospitalisées dont 3 en réanimation. Parmi les 95 personnes examinées par un médecin, environ un tiers avait un bronchospasme, et un tiers était en hypoxie. 4 personnes se sont trouvées en détresse respiratoire, 4 autres personnes ont gardé des séquelles parfois pendant 6 mois, notamment un essoufflement ou des difficultés à respi rer (1). Le tabagisme, l’asthme, une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou un emphysème sont des facteurs aggravants (1). Des intoxications par inhalation après mélange de produits nettoyants et désinfectants à base d’eau de Javel et de détartrant ont déjà été signalées par les centres antipoison lors de la pandémie de covid-19 (2). Il est prudent d’inciter à suivre les consignes d’utilisation mentionnées sur l’emballage des produits ménagers, à ne pas utiliser plusieurs produits à la fois et éviter les mélanges (3). ©Compétence 4 Sources 1- Bloch J et coll.“Désherbage : n’utilisez jamais de mélange eau de Javel et vinaigre” Vigil’Anses 2023 ; 19 : 2-5. 2- “Intoxications et accidents domestiques dans le contexte du covid-19” Rev Prescrire 2020 ; 40 (441) : 511. 3- Inpes et coll. “Produits ménagers : précautions d’emploi” : 2 pages.
Compétence 4 • Édition Découverte • Février 2025 • N° 86 bis • Page 21
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