Edition découverte Prescrire 2024-2025

Découvrez une compilation de textes tirés de numéros récents de Prescrire

n° 491 bis • Septembre 2024

LA REVUE

Financée par les abonnés, sans publicité ni subvention, sans sponsor ni actionnaire

Édition découverte

La revue Prescrire (Édition découverte) • Tome 44 • p. 1 à 18 • France

Cascades médicamenteuses Les reconnaître et les désamorcer

Évacuation d’un hématome sous-unguéal douloureux

Grossophobie : dans les soins aussi

Qui est Prescrire ? L’Association Mieux Prescrire, qui édite toutes les productions Prescrire, est une association à but non lucratif (loi 1901). Elle s’est organisée pour s’affranchir de l’influence des firmes, comme de celle des organismes chargés de l’organisation des systèmes de soins. La revue Prescrire est financée par les abonnés, sans publicité ni subvention, sans sponsor ni actionnaire. Depuis janvier 1981, l’ambition de Prescrire est d’apporter aux professionnels de santé, et grâce à eux, aux patients, des informations claires, synthétiques et fiables, en particulier sur les médicaments et les stratégies diagnostiques et thérapeutiques. Prescrire s’est donné les moyens rédactionnels et documentaires de garantir la solidité de ses synthèses. Tous les rédacteurs sont formés aux méthodes rédactionnelles collectives de Prescrire . La plupart sont des professionnels de santé. Quelle est l’ambition éditoriale de Prescrire ?

RAYON DES NOUVEAUTÉS

Signé Gaspard Une histoire de risques

3

4 NOUVELLE SUBSTANCE Vaccin RSVPreF ( abrysvo °) chez les femmes enceintes en prévention des infections par le VRS chez leur enfant après la naissance 5 NOUVELLE INDICATION Dapaglifozine ( forxiga °) et insuffisance cardiaque chronique à fraction d’injection préservée 6 COMPLÉMENT ALIMENTAIRE Alcoool°, une boisson promue pour “soulager la gueule de bois” : un business irresponsable

VIGILANCES

7 Triptans : AVC et infarctus du myocarde 7-8 Cascades médicamenteuses : les reconnaître et les désamorcer 9 Myocardites médicamenteuses 10 Traitement de substitution aux opioïdes pendant la grossesse : la buprénorphine paraît moins dangereuse que la méthadone pour l’enfant à naître

STRATÉGIES

11 Évacuation d’un hématome sous-unguéal douloureux 12 Premiers Choix Prescrire Crise de migraine chez un adulte 13 Repère Cystites récidivantes 13 Messages-clés médicaments Fosfomycine trométamol 14 Infos-Patients Prescrire Douleur ou fièvre chez les enfants

Pourquoi une édition découverte ?

L’édition découverte est une compilation de textes tirés de numéros récents de Prescrire . Cette édition de 18 pages est un condensé d’une revue qui comporte

OUVERTURES

en réalité 80 pages par mois. Elle donne un aperçu du type

15 « Commencez par perdre du poids ! » 16 Efficacité des traitements annoncée aux patients : souvent grandement surestimée 17 Substituts du lait maternel : des allégations de santé trompeuses 17 Lu pour vous Guide du cabinet de santé écoresponsable

d’informations apporté par Prescrire . Avec 12 numéros mensuels au format numérique et/ou papier, l’abonnement à Prescrire comprend l’Application Prescrire, qui donne notamment accès à l’intégralité des textes de Prescrire et le Guide Prescrire, un outil indépendant d’aide à la décision thérapeutique.

COGITATIONS

Graines de pratique Diane envisage l’arrêt de son antidépresseur…

18

Bonne lecture et à bientôt. L’équipe Prescrire

Copyright Prescrire ISSN 0247-7750 Dépôt légal à parution Commission paritaire CPPAP n° 0327 G 81662 Siège 83, boulevard Voltaire 75011 Paris France Tél. : (+33)(0)1 49 23 72 80 Courriel contact@prescrire.org Adresse postale Prescrire, 83 boulevard Voltaire 75558 Paris Cedex 11 France Illustration de couverture : ©Prescrire

La liste nominative complète des rédacteurs (plus d’une centaine) et des relecteurs extérieurs à Prescrire (plusieurs centaines chaque année) ayant contribué à chaque numéro est en accès libre sur Prescrire.org

Prescrire participe activement à l’ISDB, réseau international de revues de formation en thérapeutique indépendantes

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des firmes. Site internet : isdbweb.org

Imprimerie Aubin Chemin des Deux Croix, CS 70005, 86240 Ligugé Dépôt légal : 3971

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RAYON DES NOUVEAUTÉS

Une histoire de risques À chaque médicament, son histoire.

Parfois une très belle histoire de découvertes : celle d’une maladie plus ou moins répandue, de ses dégâts plus ou moins graves, de son évolution et de ce qui la provoque, puis celle d’un remède salvateur. Avec, dans le meilleur des cas, un service rendu à de nombreux patients, pendant très longtemps, avec des risques jugés acceptables et un coût raisonnable pour la société. Mais sans oublier, souvent, une histoire banale faite d’âpres conquêtes : de marchés, de “populations cibles”, de zones d’influences, de territoires, etc. En somme, de tristes histoires de sous… Et pour certains médicaments, une histoire qui se termine. Que ce soit une fin de commercialisation, avec un discret retrait des rayons, sans un bruit, alors qu’une telle décision témoigne souvent du fait que ce médicament était plus dangereux qu’utile, ou que sa rentabilité était devenue insuffisante. Ou une fin plus tonitruante, quand un désastre sanitaire causé par un médicament confronte ses promoteurs à la justice, contraignant les principaux responsables à s’en expliquer. Ou encore une fin préméditée, pour orchestrer insidieusement l’arrivée prochaine d’un nouveau médicament, pour créer un besoin de toutes pièces, ou encore pour organiser une réelle pénurie. Mais alors qu’est-ce que ces histoires ont en commun ? Toutes se construisent autour des mêmes personnages principaux : les patients. Ce sont les patients qui souffrent de la maladie et qui en subissent toutes les conséquences. Ce sont les patients qui s’organisent en associations pour faire entendre leurs voix et pour faire avancer les recherches. Ce sont des personnes et des patients qui apportent une contribution à la recherche en participant aux premières études, puis en se prêtant aux essais cliniques, expérimentant dans leur corps les nouvelles substances, sans aucune certitude sur la nature des effets qu’elles produiront. Ce sont des patients qui décrivent, voire signalent des effets indésirables, inattendus ou graves. Parfois au prix de lourdes séquelles, même après l’arrêt du médicament en cause, quand la fin n’est pas plus tragique pour eux, et pour l’entourage qu’ils laissent. Quel que soit le médicament, quelle que soit son histoire et la manière de la raconter, ce sont toujours les patients qui sont exposés aux risques d’une maladie face à laquelle on est démuni. Mais ce sont eux aussi qui sont exposés aux risques d’un médicament trop peu évalué.

Rev Prescrire • Avril 2024

COTATIONS PRESCRIRE - Nouvelles substances, indications, posologies, formes, etc. Notre appréciation globale, symbolisée par une expression du bonhomme Prescrire, alias Gaspard Bonhomme, porte sur le progrès thérapeutique, tangible pour le patient, apporté par chaque nouvelle spécialité dans une indication précise : balance bénéfices-risques du médicament par rapport aux autres thérapeutiques disponibles. BRAVO Appréciation d’exception attribuée à un progrès

Information fournie par les firmes

Nous cotons sur 4 niveaux l’information reçue des firmes que nous avons interrogées.

N’APPORTE RIEN DE NOUVEAU Il s‘agit d’une nouvelle substance sans plus d’intérêt clinique démontré que les autres substances du même groupe, et parfois d’un me-too, voire d’une quasi-copie. PAS D’ACCORD Médicament qui ne présente aucun avantage évident mais qui a des inconvénients possibles ou certains.

Information approfondie et adaptée à notre demande. Information adaptée à notre demande, mais incomplète. Information minimale, ou limitée à quelques éléments accessibles par ailleurs. Rétention d’information.

thérapeutique majeur, d’efficacité et d’intérêt évidents dans un domaine où nous étions totalement démunis. INTÉRESSANT Apporte un progrès thérapeutique important mais avec certaines limites. APPORTE QUELQUE CHOSE L’apport est présent mais limité ; il est à prendre en compte sans toutefois devoir bouleverser le domaine de la thérapeutique considéré. ÉVENTUELLEMENT UTILE Intérêt thérapeutique supplémentaire minime. Il y a peu d’arguments devant conduire à changer d’habitude de prescription en dehors de cas particuliers.

LA RÉDACTION NE PEUT SE PRONONCER Nous réservons notre jugement dans l’attente d’une évaluation

plus approfondie du médicament.

Les cotations Prescrire vous permettent de repérer d’un seul coup d’œil un éventuel progrès thérapeutique pour chaque médicament analysé , et le niveau d’information fourni à Prescrire par les firmes

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 3

RAYON DES NOUVEAUTÉS

Triez et maintenez à jour votre liste de médicaments grâce à une analyse critique des nouveautés médicamenteuses

NOUVELLE SUBSTANCE

vaccin RSVPreF ( abrysvo °) chez les femmes enceintes en prévention des infections par le VRS chez leur enfant après la naissance Moins d’infections sévères et d’hospitalisations, mais plus de prématurités et de nombreuses inconnues

● Dans cet essai, après un suivi médian d’environ 9 mois, 0,5 % des nourrissons du groupe vaccin ont eu une infection symptomatique sévère versus 1,8 % dans le groupe placebo dans les 6 premiers mois de vie. Des hospitalisations en lien avec une infection par le VRS ont été rapportées chez 0,5 % des nour rissons versus 1,3 %. Ces différences sont statisti quement significatives selon le protocole de l’essai. Mais ce n’est pas le cas de la diminution du risque d’hospitalisation en lien avec une infection par le VRS quand on prend en compte la première année de vie dans sa globalité. Cet essai n’était pas conçu pour mettre en évidence un effet sur la mortalité de ces nourrissons. ● Chez les femmes vaccinées, des effets indésirables communs aux vaccins ont été rapportés, surtout des réactions locales au site d’injection et des réactions générales telles que fatigues, maux de tête et dou leurs musculaires. ● Des accouchements prématurés ont été rapportés chez 5,7 % des femmes du groupe vaccin versus 4,7 % dans le groupe placebo. Un nourrisson du groupe vaccin est mort du fait de complications d’une grande prématurité (naissance à 27 semaines d’aménorrhée), sans qu’un lien avec le vaccin puisse être exclu. Un surcroît de naissances prématurées a été observé aussi dans un essai d’immunogénicité chez 579 femmes. ● En raison d’une possible diminution de la réponse immunitaire, il est prudent de prévoir un intervalle d’au moins 15 jours entre l’administration du vaccin RSVPreF et celle d’un autre vaccin. ©Prescrire

Résumé

● Les infections par le virus respiratoire syncytial (VRS) sont rarement sévères chez les enfants nés à terme et en bonne santé. Les principaux facteurs de risque de forme sévère sont : un âge de 3 mois ou moins pendant une épidémie d’infections par le VRS, une naissance prématurée avant la 35 e semaine d’aménorrhée, une affection respiratoire chronique ou une cardiopathie congénitale. Les formes sévères d’infection par le VRS peuvent justifier une hospita lisation, voire causer la mort. ● L’administration aux nourrissons de nirsévimab , un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine F duVRS, diminue le risque d’infections symptomatiques sévères par le VRS et celui des hospitalisations qui en découlent. ● Le vaccin RSVPreF contient la protéine F des sous-groupes A et B du VRS. Il a été autorisé dans l’Union européenne chez des femmes enceintes pour prévenir les infections par le VRS chez leur enfant, de la naissance jusqu’à l’âge de 6 mois. L’objectif de cette vaccination des femmes enceintes est d’induire une production d’anticorps dirigés contre la pro téine F du VRS, qui passent dans le sang du fœtus, à travers le placenta. ● Un essai randomisé, en double aveugle, a inclus 7 392 femmes enceintes qui ont reçu : soit une injec tion intramusculaire du vaccin RSVPreF , soit une injec tion intramusculaire d’un placebo. Selon le protocole de l’essai, l’injection était prévue entre la 24 e et la 36 e semaine d’aménorrhée. Certaines femmes enceintes n’ont pas été incluses dans l’essai, notamment celles les plus à risque d’accouchements prématurés ; les autres facteurs de risque de forme sévère d’infection par le VRS des nourrissons n’ont pas été précisés dans les documents recensés par notre recherche docu mentaire.

Rev Prescrire • Décembre 2023

Les sources sont citées dans la revue Prescrire originale, disponible sur abonnement

P age 4 • L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

RAYON DES NOUVEAUTÉS

NOUVELLE INDICATION

dapagliflozine ( forxiga °) et insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection préservée

N’APPORTE RIEN DE NOUVEAU Dans un essai versus placebo chez environ 6 300 patients, après un suivi médian de 28 mois, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont été moins fréquentes dans le groupe dapa gliflozine (10,5 % versus 13 %), mais avec une exposition aux effets indésirables parfois graves des gliflozines ; et sans efficacité démontrée sur la mortalité. L’insuffisance cardiaque chronique est une affection grave et fréquente, liée à l’incapacité du cœur à assurer un débit sanguin adapté aux besoins de l’organisme. En fonction de la valeur de la fraction d’éjection ventri culaire gauche mesurée à l’échographie cardiaque, une insuffisance cardiaque est dite à fraction d’éjection réduite (inférieure à 40 %) ou préservée (supérieure à 50 %). Les patients avec une fraction d’éjection dite intermédiaire (comprise entre 40 % et 50 %) sont sou vent considérés, notamment dans les essais cliniques, comme ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (1). Les médicaments utilisés chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préser vée sont en général ceux proposés en cas de fraction d’éjection réduite, principalement : un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste de l’angiotensine II (alias sartan) ; et un bêtabloquant. Toutefois, début 2024, en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, aucun de ces médi caments n’a d’efficacité démontrée pour allonger la durée de vie (1,2). Dans l’insuffisance cardiaque, la dapagliflozine , un inhibiteur du co-transporteur rénal de sodium-glucose de type 2 (alias SGLT2), a d’abord été autorisée dans l’Union européenne chez les patients ayant une fraction d’éjection réduite. Dans cette situation, dans un essai randomisé versus placebo chez environ 4 700 patients avec des symptômes malgré un traitement dit opti misé, après un suivi médian de 18 mois, la dapagli flozine a réduit la fréquence d’un critère combinant la mort cardiovasculaire ou certaines aggravations de l’insuffisance cardiaque (16 % versus 21 %). Elle a semblé réduire aussi la mortalité toutes causes confon dues (11,5 % versus 14 %) (1,2). La dapagliflozine est devenue autorisée chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (2,3). Cette autorisation repose sur un essai randomisé, en double aveugle, versus placebo, chez 6 263 patients (âge médian de 72 ans), atteints d’insuffisance car diaque chronique symptomatique malgré un traite ment. Ils avaient une fraction d’éjection supérieure à 40 % (54 % en moyenne, avec environ 34 % des patients ayant une fraction comprise entre 40 % et 50 %). Les trois quarts des patients avaient une limi

tation modeste de leur activité physique sans gêne au repos (stade II de la classification fonctionnelle de la NewYork Heart Association). Les autres avaient une limitation plus marquée à l’effort (stade III). À l’inclusion, le traitement de l’insuffisance cardiaque comprenait notamment un IEC ou un sartan chez environ 73 % des patients, et un bêtabloquant chez 83 %. La dapagliflozine ou le placebo ont été ajoutés aux traitements usuels des patients (2,4). Après un suivi médian de 28 mois, la mortalité toutes causes confondues a été d’environ 16 %, sans différence entre les groupes. Le critère principal d’évaluation a été un critère dit combiné, prenant en compte la mort d’origine cardiovasculaire, une hospi talisation pour insuffisance cardiaque ou une consul tation urgente non programmée liée à l’insuffisance cardiaque. Au moins un de ces événements est survenu chez 16 % des patients du groupe dapagli flozine versus 19,5 % de ceux du groupe placebo (p < 0,01). La différence observée est surtout due à une moindre fréquence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe dapagliflozine : 10,5 % versus 13 % (p < 0,01) (2,4). Des indicateurs de qualité de vie prenant en compte des symptômes de l’insuffisance cardiaque, évalués après 8 mois de traitement sur une échelle allant de 0 à 100, ont été améliorés dans le groupe dapagliflo zine par rapport au groupe placebo. Mais la différence entre les deux groupes (environ 2,5 points) est de pertinence clinique très incertaine (2,4). La dapagliflozine expose à des effets indésirables parfois graves, dont des infections urinaires et géni tales, des fasciites nécrosantes du périnée (alias gangrènes de Fournier), des hypotensions artérielles, des insuffisances rénales, des acidocétoses et peut être à des fractures et des cancers (1). L’essai décrit ci-dessus n’a pas apporté d’élément modifiant ce profil connu d’effets indésirables.Trois patients du groupe dapagliflozine ont eu une infection génitale ayant conduit à l’arrêt du médicament versus aucun dans le groupe placebo. Il y a eu cinq acido cétoses dans le groupe dapagliflozine versus deux dans le groupe placebo (2). ©Prescrire Recherche documentaire mise à jour le 10 novembre 2023 La firme AstraZeneca, que nous avons interrogée, nous a fourni une documentation administrative et des éléments du conditionnement. 1- Prescrire Rédaction “Empagliflozine (Jardiance°) et insuffisance cardiaque chronique. Deuxième gliflozine en cardiologie, sans avantage démontré” Rev Prescrire 2022 ; 42 (470) : 885-887. 2- EMA - CHMP “Public assessment report for Forxiga/Edistride. EMEA/H/C/xxxx/WS/2299” 15 décembre 2022 : 81 pages. 3- EMA “RCP-Forxiga” 30 mai 2023. 4- Solomon SD et coll. “Dapagliflozin in heart failure with mildly reduced or preserved ejection fraction” N Engl J Med 2022 ; 387 (12) : 1089 1098 + supplementary appendix : 44 pages. Rev Prescrire • Janvier 2024

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 5

RAYON DES NOUVEAUTÉS

COMPLÉMENT ALIMENTAIRE

Alcoool°, une boisson promue pour “soulager la gueule de bois” : un business irresponsable

E n France, début 2024, la boisson Alcoool° du fabricant Nonna Lab est promue pour « soulager la gueule de bois ». Elle est vendue comme com plément alimentaire et disponible via diverses plateformes de vente en ligne et dans « des milliers de pharmacies » au prix d’environ 6 € la bouteille de 100 ml. Selon le fabricant, ce produit « 100 % naturel » est composé de divers extraits de végétaux (dont poire Nashi, figue de Barbarie, racine de ginseng asiatique), acides aminés, vitamines, mi néraux, etc. (1). Le fabricant préconise de « boire toute la bouteille en début de soirée ou d’apéritif », et explique que ce « produit facilité [sic] (…) la digestion de l’alcool pour en éliminer les toxines. La poire Nashi boos tera notamment la production d’enzymes hépatiques (permettant la digestion de l’alcool) à hauteur de 70 % ». Le fabricant précise que le mélanger avec de l’alcool est « une excellente idée » et permet de « revisiter vos cocktails préférés ». Il préconise aux femmes enceintes de « prendre l’attache d’un profes sionnel de santé avant toute supplémentation », alors que l’alcool est un agent tératogène et fœto toxique notoire. Et de conclure « enfin une boisson efficace, agissant rapidement et permettant de soulager la gueule de bois. 0 bullshit » (1).

Zéro preuve de l’effet annoncé. Le site internet du fabricant ne comporte aucune référence de publi cations scientifiques, mais seulement des avis d’utilisateurs (1). Au 5 avril 2024, Nonna Lab, que nous avons interrogé, n’a pas été en mesure de nous envoyer de documentation pour appuyer ses allégations. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’essai clinique mené avec le produit Alcoool° ; et globalement, les essais cliniques que nous avons recensés avec la poire Nashi, le ginseng ou la figue de Barbarie ne montrent pas de bénéfice probant pour soulager les effets d’une “gueule de bois” (2à4). Par ailleurs, la composition d’un tel produit vendu comme complément alimentaire n’est pas garantie. Et on ne sait rien des éventuels effets indésirables de ce mélange. La mention « 100 % naturel » n’est pas du tout un gage d’inno cuité (lire “C’est-à-dire ? Charlatanisme” ci-dessous). En pratique La consommation de grandes quan tités d’alcool expose à des risques connus, dont des accidents, des conduites dangereuses, des at teintes d’organes. La promotion de produits allé guant un effet sur la “gueule de bois” est une incitation à repousser les limites de la quantité d’alcool consommée, ce qui est contraire à la santé. Cet exemple illustre les abus commerciaux auxquels certaines firmes n’hésitent pas à recourir, en raison du manque de contrôle par les pouvoirs publics des compléments alimentaires, et de vérification de leurs mentions publicitaires. Une réaction des au torités de santé et de sécurité alimentaire serait bienvenue. + “Compléments alimentaires : peu évalués et contrôlés, trop facilement autorisés et parfois dangereux” (n° 450, p. 303-309). ©Prescrire Sources 1- Nonna Lab “Alcoool. Soulager la gueule de bois” Site www.nonnalab.com consulté le 5 mars 2024 : 9 pages. 2- Natural Medicines “Pear” + “Panax ginseng” + “Prickly pear” Site www. naturalmedicines.therapeuticresearch.com consulté les 4 et 7 mars 2024 : 15 pages. 3- Lee HS et coll. “Effect of Korean pear (Pyrus pyrifolia cv. Shingo) juice on hangover severity following alcohol consumption” Food ChemToxicol 2013 ; 58 : 101-106. 4- Roberts E et coll. “The efficacy and tolerability of pharmacologically active interven tions for alcohol-induced hangover symptomatology : a systematic review of the evidence from randomised placebo-controlled trials” Addiction 2022 ; 117 : 2157-2167.

C’est-à-dire ?

Charlatanisme Le charlatanisme consiste à exploiter la crédulité de personnes pour proposer des remèdes illusoires, non éprouvés scienti fiquement et présentés comme bénéfiques et sans danger pour la santé (1). Selon le Code de la santé publique français, les « médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.Toute pratique de charlatanisme est interdite » (Art. R.4127-39). Et le « pharmacien doit veiller à ne jamais favoriser, ni par ses conseils ni par ses actes, des pratiques contraires à la préservation de la santé publique. Il doit contribuer à la lutte contre le charlatanisme, notamment en s’abstenant de fabriquer, distribuer ou vendre tous objets ou produits ayant ce caractère » (Art. R.4235-10). ©Prescrire Sources 1- “Santé et bien-être : domaines à risque de dérives sectaires” Rev Prescrire 2022 ; 42 (466) : 623-627.

Rev Prescrire • Mai 2024

P age 6 • L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

VIGILANCES

Triptans : AVC et infarctus du myocarde

En 2024, une étude à partir d’une base de données de santé danoise a recherché un lien éventuel entre la prise d’un triptan et la survenue d’accidents isché miques cardiaques ou cérébraux (1). Les triptans sont des vasoconstricteurs utilisés en traitement des crises de migraine. De 1995 à 2022, 429 612 patients ont eu une première prescription d’un triptan. L’étude a porté sur les patients ayant eu cette première prescription durant une pé- riode de 84 j ours précédant un infarctus du myocarde (11 patients), un accident vasculaire ischémique (18 pa tients) ou un accident vasculaire ischémique ou de nature non précisée (35 patients). L’âge médian de ces patients était d’environ 60 ans (1). Chaque patient inclus a été son propre témoin, avec comparaison de la fréquence de remboursement d’un triptan durant la période de 14 jours précédant immé diatement la date de l’accident ischémique versus 3 périodes de 14 jours plus anciennes (1). Ces patients ont eu une fréquence plus grande de remboursement d’un triptan dans la période précédant

immédiatement l’accident ischémique que dans les trois périodes témoins plus anciennes avec : pour les infarctus du myocarde un risque relatif estimé par l’odds ratio (OR) de 3,3 (intervalle de confiance à 95 % (IC95) : 1,0 à 10,9) ; pour les accidents vasculaires céré braux ischémiques, un OR de 3,2 (IC95 : 1,3 à 8,1) ; et pour les accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou non spécifiés, un OR de 3,0 (IC95 : 1,5 à 5,9) (1). En pratique Ces résultats sont cohérents avec les effets vasoconstricteurs des triptans et le profil d’effets indésirables déjà connu de ces médicaments (2). Ils justifient fortement d’éviter les triptans chez les patients ayant des facteurs de risque cardiovasculaire (2,3). ©Prescrire Sources 1- Petersen CL et coll. “Risk of stroke and myocardial infarction among initiators of triptans” JAMA Neurol 2024 ; 2023.5549 : 7 pages. 2- Prescrire Rédaction “Triptans” Interactions Médicamen teuses Prescrire 2024. 3- ANSM “RCP-Imigrane” 27 février 2024.

Rev Prescrire • Juin 2024

Pour éviter ou réduire l’exposition des patients aux effets indésirables ! Prescrire assure une veille des données rendues disponibles après la mise sur le marché des médicaments, pour vous aider à sécuriser les soins aux patients

Cascades médicamenteuses : les reconnaître et les désamorcer

● À partir d’une recherche documentaire métho dique, une équipe a recensé des situations dans lesquelles un médicament était prescrit pour remé dier à un trouble induit par un autre médicament. Une dizaine de ces cascades médicamenteuses se sont révélées particulièrement problématiques chez des patients âgés du fait de leurs conséquences cli niques, de la fréquence de prescription des médi caments impliqués, de la gravité des effets indésirables potentiels, alors que des alternatives étaient envisageables. Une cascade médicamenteuse débute quand un médicament est ajouté pour remédier à un trouble qui est en fait un effet indésirable d’un traitement médicamenteux en cours, mais qui n’a pas été iden tifié comme tel (1). De très nombreuses cascades médicamenteuses, parfois à plusieurs niveaux, apparaissent à la suite de l’analyse des médicaments pris par les patients,

y compris avec des compléments alimentaires et autres produits de santé d’automédication (2). Par exemple, en 2022, une étude a montré un plus grand nombre de prescriptions de diurétiques chez des patients prenant de la prégabaline (Lyrica° ou autre) ou de la gabapentine (Neurontin° ou autre) que chez ceux n’en prenant pas, alors que les œdèmes péri phériques sont des effets indésirables connus de ces gabapentinoïdes (3). Un groupe de spécialistes en pharmacothérapie gériatrique a effectué une recherche documentaire méthodique et recensé 139 cascades médicamen teuses. Il a ensuite organisé l’analyse critique de cette liste de cascades par 40 professionnels de santé en gériatrie (gériatres, médecins généralistes, pharma ciens, infirmiers) de plusieurs pays. Les 139 cascades recensées ont été étudiées selon leurs conséquences cliniques, la fréquence de prescription des médi caments impliqués, la gravité des effets indésirables potentiels, la disponibilité d’alternatives, etc.

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 7

VIGILANCES

Au terme du processus, 9 cascades ont été consi dérées comme particulièrement problématiques chez les patients âgés (1). Elles sont schématisées dans la figure ci-dessous. Certains médicaments utilisés dans ces cascades pour traiter un trouble qui est en fait un effet indési rable d’un médicament, tels les anticholinestérasiques ou la mémantine (Ebixa° ou autre) pour traiter des troubles cognitifs iatrogènes, sont de surcroît des médicaments à écarter des soins selon Prescrire , car plus dangereux qu’utiles (4). En pratique Les effets indésirables des médi caments conduisent parfois à ajouter un médicament au traitement en cours, dans l’espoir d’atténuer tel ou tel effet indésirable ou parce que l’origine médi camenteuse du trouble n’a pas été identifiée. Or le médicament ajouté expose lui-même à des effets indésirables. L’ensemble du traitement devient de plus en plus hasardeux, surtout quand l’efficacité du médicament ayant déclenché cette cascade n’est pas démontrée. Face à ces situations de prescriptions multiples liées à des effets indésirables, il est utile de réévaluer régulièrement l’ensemble de la situation, revoir avec

le patient les objectifs du traitement et chercher un traitement à la fois plus adapté et plus simple (5,6). Et plus généralement, se demander devant tout trouble “Et si c’était dû au médicament ?”. Quand un nouveau trouble est constaté, penser qu’il s’agit peut-être d’un effet indésirable d’un médicament peut rendre service aux patients et leur éviter de nouvelles prescriptions inutiles. ©Prescrire Extraits de la veille documentaire Prescrire 1- McCarthy LM et coll. “ThinkCascades: a tool for identifying clinically important prescribing cascades affecting older people” Drugs Aging 2022 ; 39 : 829-840. 2- Therapeutics Initiative “Reducing prescribing cascades” Therapeu tics Letter 2022 ; 138 : 4 pages. 3- Prescrire Rédaction “Gabapentine, prégabaline : causes de pres cription de diurétiques” Rev Prescrire 2022 ; 42 (462) : 271. 4- Prescrire Rédaction “Bilan 2023 des médicaments à écarter : neurologie” Rev Prescrire 2022 ; 42 (470) : 944-945. 5- Prescrire Rédaction “7 principes pour une bonne pratique face aux risques d’interactions médicamenteuses” Interactions Médicamen teuses Prescrire 2023. 6- Prescrire Rédaction “Objectifs des traitements : à partager avec les patients” Rev Prescrire 2012 ; 32 (345) : 544-546. Rev Prescrire • Septembre 2023

Figure. Cascades médicamenteuses particulièrement problématiques chez les patients âgés (d’après réf. 1)

inhibiteur calcique

œdème périphérique

diurétique

médicament atropinique de l’incontinence urinaire anticholinestérasique ou mémantine

diurétique

incontinence urinaire

médicament atropinique de l’incontinence urinaire

troubles cognitifs

antidépresseur inhibiteur dit sélectif de la recapture de la sérotonine ou inhibiteur de la sérotonine et de la noradrénaline

insomnie

médicament hypnotique

anticholinestérasique ou mémantine

benzodiazépine

troubles cognitifs

agitation paradoxale ou secondaire à un sevrage

benzodiazépine

neuroleptique

neuroleptique

symptômes extrapyramidaux

antiparkinsonien

anti-inflammatoire non stéroïdien

hypertension artérielle

hypotenseur

alpha-1 bloquant dans l’adénome de la prostate

hypotension orthostatique, sensations vertigineuses

médicament des troubles vestibulaires tel que la bétahistine

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P age 8 •L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

VIGILANCES

Myocardites médicamenteuses

Une myocardite est une inflammation du muscle cardiaque (myocarde). Selon la durée d’évolution des symptômes, inférieure ou supérieure à 3 mois, on distingue les myocardites aiguës et les myocardites chroniques.

Certains médicaments sont impliqués dans la survenue ou l’aggravation des myocardites. Environ un tiers des myocardites documentées restent sans cause identifiée, dont une partie est peut-être causée par un médicament.

Conséquences cliniques

Médicaments qui causent une myocardite

Les conséquences cliniques d’une myocardite sont des manifestations de gravité très variable : fatigue, douleur thoracique, tachycardie sinusale, insuffisance cardiaque, choc cardiogénique, troubles du rythme cardiaque, voire mort subite. Une inflammation de l’enveloppe entourant le cœur (péricardite) est parfois associée. Une myocardite se complique parfois d’une cardiomyopathie dilatée. Chez les patients ayant une myocardite, une élé vation des troponines cardiaques dans le sang est souvent constatée. Les causes de myocardite sont très nombreuses et diverses, d’origine infectieuse ou non. Une vingtaine de virus sont connus pour causer des myocardites, notamment : adénovirus, cyto mégalovirus (CMV), virus coxsackie, Epstein-Barr virus (EBV), virus de l’hépatite B ou C, Herpes simplex virus (HSV), virus de l’immunodéficience humaine (VIH), virus des oreillons, virus de la rubéole, virus de la varicelle, virus de la maladie covid-19 (Sars CoV-2), virus de la grippe. D’autres infections sont aussi en cause : bacté riennes (brucellose, chlamydiose, gonococcie, infec tion par Haemophilus (sans précision), légionellose, salmonellose, infection par un spirochète, lepto spirose, maladie de Lyme, syphilis, etc.), mycosiques (aspergillose, candidose, cryptococcose, etc.) ou parasitaires (paludisme, toxoplasmose, etc.). Une myocardite est parfois liée à une réaction immunitaire ou d’hypersensibilité allergique à un médicament, un vaccin ou une substance présente dans l’environnement. Dans ce cas, la myocardite est isolée ou associée à d’autres manifestations d’hypersensibilité. Ce sont souvent des myocardites à éosinophiles caractérisées par une infiltration d’éosinophiles dans le myocarde et par une augmen tation du taux d’éosinophiles (éosinophilie), observée sur la numération de la formule sanguine. Une myocardite est parfois d’origine auto-immune, isolée ou associée à une maladie auto-immune systé mique (lupus érythémateux systémique, granuloma tose avec polyangiite, maladies inflammatoires chroniques intestinales, etc.). Certaines substances ont un effet toxique sur le muscle cardiaque telles que l’alcool, les anthra cyclines, l’arsenic, la cocaïne. C’est le cas aussi des métaux lourds et des radiations. Facteurs de survenue

Les médicaments qui causent des myocardites sont principalement des médicaments qui induisent des réactions d’hypersensibilité allergique, des vaccins, des médicaments qui induisent des troubles auto-­ immuns, des toxiques. ● Immunoallergie. Des médicaments causent des myocardites probablement par un mécanisme immunoallergique, notamment : des antibiotiques tels que les sulfamides, dont le sulfaméthoxazole + triméthoprime alias cotrimoxazole ; les bêta lactamines ; des neuroleptiques, notamment la cloza pine , la quétiapine , l’ olanzapine ; des antiépileptiques : la carbamazépine , la phénytoïne , l ’éthosuximide ; des diurétiques thiazidiques tels que l’ hydrochloro thiazide , et des diurétiques de l’anse tels que le furo sémide ; des anti-inflammatoires aminosalicylés : la mésalazine , la sulfasalazine , l’ olsalazine ; ● Des vaccins. Notamment : vaccin variolique ; vaccin méningococcique conjugué ; vaccins hépatite A ou B ; vaccins covid-19 à ARN messager ; vaccins diphtérie, tétanos ; ● Auto-immunité. Des médicaments causent des troubles auto-immuns : c’est notamment le cas avec des immunodépresseurs tels que les anti-TNF alpha, des immunostimulants tels que les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire, ou encore la mino cycline ; ● Toxicité myocardique. Des médicaments avec une toxicité sur le myocarde probablement sans mécanisme immunoallergique, tels que : des cyto toxiques : anthracyclines ; fluoropyrimidines : le fluorouracil ; antipyrimidines : la cytarabine ; alky lants : le thiotépa , le cyclophosphamide , le busulfan ; un antitumoral anti-HER-2 : le trastuzumab ; un anti-CD20 : le rituximab ; un antitumoral inhibiteur de tyrosine kinases, dont la kinase BCR-ABL : le dasa tinib ; ● Et aussi. Un rétinoïde : la trétinoïne ; un anti épileptique : l’ acide valproïque ; un stabilisateur de l’humeur : le lithium ; un hypotenseur central : la méthyldopa ; etc. ©Prescrire

Rev Prescrire • Février 2024

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 9

VIGILANCES

Traitement de substitution aux opioïdes pendant la grossesse : la buprénorphine paraît moins dangereuse que la méthadone pour l’enfant à naître

● Les résultats des études épidémiologiques recen sées ont un niveau de preuves souvent modeste, en raison de multiples facteurs susceptibles d’in fluer sur les résultats, tels que les conditions de vie, la prise concomitante de médicaments psychotropes ou de substances illicites, des troubles psychiques, l’environnement familial et personnel. La période et la durée d’exposition à la buprénorphine et à la méthadone et les doses utilisées ne sont pas tou jours connues. Les essais randomisés, quant à eux, manquent de puissance statistique, étant donné le faible nombre de femmes enceintes incluses. ● Des données chez une dizaine de milliers de femmes enceintes exposées au cours du premier trimestre de la grossesse montrent un risque de malformations moins grand avec la buprénorphine qu'avec la méthadone . ● Le déroulement de la grossesse semble moins perturbé avec la buprénorphine qu’avec la métha done , avec apparemment : moins de prématurités et de petits poids à la naissance. ● Le risque de syndrome de sevrage du nouveau-­ né a été moins grand avec la buprénorphine qu’avec la méthadone . ● À long terme, les études sont peu nombreuses et de faible niveau de preuves. Après exposition in utero à la méthadone , les troubles de l’attention et les hyperactivités semblent plus fréquents que chez les enfants non exposés. Les données concer nant la buprénorphine sont plus fragiles que celles concernant la méthadone . ● En pratique, en 2024, pour le traitement de la dépendance aux opioïdes chez des femmes enceintes ou qui pourraient le devenir, la bupré norphine constitue une option qui semble exposer l’enfant à naître à moins de risques que la métha done . ©Prescrire

RÉSUMÉ

● Chez les personnes dépendantes aux opioïdes, la buprénorphine (un agoniste-antagoniste des récepteurs aux opioïdes) et la méthadone (un ago niste de ces récepteurs) sont utiles en traitement de substitution. Quand un tel traitement est pris par une femme enceinte ou qui pourrait le devenir, en dehors des avantages thérapeutiques pour elle même, quels sont les risques sur le déroulement de la grossesse et chez l’enfant à naître ? ● Début 2024, les données portent principalement sur le déroulement de la grossesse et les syndromes de sevrage à la naissance. Plusieurs études et essais ont comparé les risques de ces deux substances, dont : une vaste étude étatsunienne chez environ 11 000 femmes enceintes exposées à la buprénorphine versus environ 5 000 autres exposées à la métha done , et une synthèse méthodique avec méta- analyse de quatre essais cliniques randomisés (environ 370 grossesses exposées) et diverses autres études épidémiologiques, surtout des études de cohorte, portant sur environ 6 800 grossesses expo sées à la buprénorphine ou à la méthadone .

REPÈRES DE SURVEILLANCE

Lors d’un traitement par méthadone 5 Évoquer un allongement de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme en cas de palpitations, malaises, lipothymies et effectuer un électrocardiogramme en particulier après chaque augmentation de posologie, ou après l’ajout de médicaments qui exposent au même risque (notamment certains antidépresseurs, le millepertuis , l’ hydroxyzine ) ou qui exposent à des bradycardies ou après l’arrêt d’un inducteur enzymatique. 5 S’assurer que le patient dispose de naloxone pour que lui ou une personne de son entourage agisse rapidement en cas de surdose accidentelle ou volontaire. 5 Vérifier si le patient prend d’autres substances exposant à une dépression respiratoire telles que d’autres opioïdes, des benzodiazépines, de la prégabaline , de la gabapentine , de l’alcool.

Rev Prescrire • Février 2024 (mise à jour en mars 2024)

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En lien Rev Prescrire 2024 ; 44 (486) : 272-274.

Les sources sont citées dans la revue Prescrire originale, disponible sur abonnement

P age 10 •L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

STRATÉGIES

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Évacuation d’un hématome sous-unguéal douloureux Avec un trombone chauffé ou une aiguille creuse

● Comme tout geste invasif, la perforation de la tablette unguéale comporte un risque infectieux. L’évacuation d’un hématome sous-unguéal par perforation d’une tablette unguéale expose à des complications rares, souvent liées au traumatisme lui-même : déformations parfois définitives de l’ongle ; décollement de l’ongle ; chute de l’ongle. ©Prescrire

RÉSUMÉ

● Un hématome sous-unguéal est une accumulation de sang entre le lit unguéal et la tablette unguéale, pro voquée en général par un traumatisme. Il se manifeste par une modification de couleur de l’ongle qui devient bleu-noir et par une douleur souvent intense. Perforer la tablette unguéale en regard de l’hématome pour l’éva cuer entraîne un soulagement en général immédiat de la douleur. Ce geste peu douloureux peut être fait en soins de premier recours, le plus souvent sans anes- thésie locale. ● Avant de perforer la tablette unguéale, il importe de repérer les situations qui conduisent à écarter ce geste, notamment une rupture de la tablette unguéale, ou une fracture déplacée de la phalange. ● Quand on ne dispose pas de dispositif spécifique pour réaliser ce geste, la perforation de la tablette unguéale peut être effectuée à l’aide d’un trombone en acier dont une extrémité est chauffée au rouge, ou avec une aiguille de diamètre 18 Gauge (G). ● La perforation de la tablette unguéale avec un trom bone est effectuée en posant l’extrémité chauffée du trombone perpendiculairement à la tablette unguéale au centre de l’hématome sous-unguéal, en évitant la lunule, et en appuyant doucement vers le bas. ● La perforation de la tablette unguéale avec une aiguille 18 G est effectuée en appliquant sa pointe per pendiculairement à la tablette unguéale au centre de l’hématome sous-unguéal, en évitant la lunule, et en faisant tourner l’aiguille pincée entre deux doigts avec des mouvements rapides tout en appuyant vers le bas avec précaution.

Rev Prescrire • Décembre 2023

Perforation de la tablette unguéale avec un trombone chauffé

©Léa Lord ©Léa Lord

Perforation de la tablette unguéale avec une aiguille 18 G

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 11

Premiers Choix Prescrire

Crise de migraine chez un adulte

Les textes “Premiers Choix Prescrire” sont une aide pour guider la stratégie thérapeutique dans plus d'une centaine de situations courantes et écarter les options plus dangereuses qu'utiles

L a migraine est une affection caractérisée par des crises récurrentes* de maux de tête (alias céphalées), qui durent plusieurs heures, voire plusieurs jours. Les crises de migraine touchent entre 12 % et 15 % des adultes, plus fréquemment des femmes. Les crises de migraine apparaissent en général dans l’enfance ou l’adolescence, avec un pic de fréquence à l’âge adulte. + “Soulager les crises de migraine” Fiche Infos-­ Patients + “Migraine : prévention des crises chez un adulte” Premiers Choix Prescrire ©Prescrire Rev Prescrire • Septembre 2024

POINTS-CLÉS

● Une crise de migraine associe un mal de tête souvent unilatéral et pulsatile à des nausées, des vomissements, une photophobie ou une phonophobie, sans fièvre. Une crise de migraine dure en général entre 4 heures et 72 heures. ● Le médicament antalgique de premier choix est le paracétamol ou, quand celui-ci est insuf fisamment efficace ou non adapté, l’ ibuprofène ou le naproxène , des anti-inflammatoires non stéroïdiens. ● En cas d’efficacité régulièrement insuffisante de ces antalgiques non spécifiques, le choix se porte sur le sumatriptan .

La suite du texte et les sources sont accessibles dans la revue Prescrire originale, disponible sur abonnement

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P age 12 • L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

Repères

Cette synthèse n’a pas pu établir à partir des essais retenus si une forme de cranberry a été plus efficace qu’une autre, ni la dose journalière optimale de cranberry (2). Les effets indésirables du cranberry n’ont pas été rapportés dans cette synthèse (2). Ceux déjà connus par ailleurs sont des troubles digestifs bénins, et peut-être un risque accru de lithiase rénale. Des augmentations de l’INR et des hémorragies graves ont été observées chez des patients sous anti vitamine K lors de l’ajout de cranberry (1). En pratique Chez les femmes gênées par des cystites récidivantes, des produits à base de cran berry, pris quotidiennement pendant plusieurs mois, semblent avoir une petite efficacité en prévention des récidives. Ils ne paraissent pas exposer à des risques graves, sauf en cas de traitement par un antivitamine K. Pour les patientes qui souhaitent recourir au cranberry, les données manquent pour conseiller une forme ou un dosage en particulier. ©Prescrire Extraits de la veille documentaire Prescrire 1- Prescrire Rédaction “Cranberry en prévention des récidives d’infec tions urinaires. Une efficacité très faible” Rev Prescrire 2021 ; 41 (448) : 132-133. 2- Williams G et coll. “Cranberries for preventing urinary tract infections” (Cochrane Review). In: “The Cochrane Library” John Wiley and Sons, Chichester 2023, Issue 11 : 150 pages. Rev Prescrire • Avril 2024

Cystites récidivantes Petite efficacité du cranberry en prévention ● D’après une méta-analyse de huit essais ran domisés, ayant inclus au total 1 555 femmes ayant des cystites récidivantes, le cranberry semble réduire un peu les récidives : un traitement quoti dien chez environ 22 patientes pendant plusieurs mois évite une récidive à l’une d’entre elles. A près une première cystite aiguë simple, 3 % des femmes ont au moins une récidive dans l’année qui suit. Selon une synthèse méthodique publiée en 2017, avec méta-analyse de 7 essais randomisés versus placebo ou absence de traitement, la plupart menés en double aveugle, le cranberry, alias canne berge à gros fruits ( Vaccinium macrocarpon ), sem blait réduire un peu la fréquence des récidives de cystites aiguës simples chez les femmes, avec une durée de traitement de 6 mois dans la quasi-totalité de ces essais (1). Une synthèse méthodique d’un groupe du réseau Cochrane, mise à jour en 2023, a recensé un essai randomisé versus absence de traitement en plus de ceux retenus dans la synthèse de 2017. Cet essai a été mené sans procédure d’aveugle chez quelques dizaines de patientes pendant 3 mois (2). Les résultats de la méta-analyse des 8 essais rete- nus, ayant inclus 1 555 patientes au total, sont semblables à ceux rapportés précédemment : pour 1 000 patientes, il y a eu environ 198 cystites confirmées dans les groupes cranberry versus environ 243 dans les groupes témoins (différence statistiquement significative) (2). En d’autres termes, un traitement quotidien chez environ 22 patientes pendant plusieurs mois évite une récidive de cystite aiguë simple à l’une d’entre elles.

Les Messages-clés Médicaments peuvent être intégrés directement sur vos ordonnances

par un simple copier-coller à partir du Guide Prescrire

INFOS-PATIENTS MESSAGES-CLÉS MÉDICAMENTS

À transmettre aux patients ou à leur entourage lors de la prescription, de la dispensation ou de la surveillance d’un médicament

fosfomycine trométamol

Prendre ce médicament à jeun, par exemple 2 à 3 heures avant ou après un repas. Pourquoi ? La prise de nourriture peut ralentir l’absorp tion digestive de cet antibiotique et donc diminuer son efficacité.

Prendre un avis médical sans tarder en cas de diarrhées importantes. Pourquoi ? Cet antibiotique cause parfois des diarrhées qui sont le plus souvent bénignes. Mais dans de rares cas, la diarrhée peut être grave avec des glaires ou du sang, des douleurs au ventre et parfois de la fièvre. Cette diarrhée particulière survient parfois plusieurs semaines après l’arrêt de l’antibiotique.

©Prescrire – janvier 2024

Sources • "Cystite aiguë simple chez une femme” Premiers Choix Prescrire, actualisation décembre 2023.

L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis • P age 13

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