Edition découverte Prescrire 2024-2025

Diane envisage l’arrêt de son antidépresseur… Une diminution progressive des doses de médicament antidépresseur aide à en réussir le sevrage. À partir d’une situation pratique, nous vous proposons de répondre à une question, puis de vous emparer de cette “graine de pratique” et de la passer au tamis de votre pratique. Situation pratique Il y a environ deux ans, Diane a débuté une psychothérapie et un traitement antidépresseur pour une dépression liée à ses conditions de travail. Après avoir mal supporté un inhibiteur dit sélectif de la recapture de la sérotonine, elle prend depuis un an de la venlafaxine en gélules à libération prolongée (LP), actuellement à la dose quotidienne de 150 mg. En raison d’une fatigue et d’une perte de libido persistantes malgré l’amélioration des symptômes dépres sifs, la décision est prise, en concertation avec Diane, de l’arrêt de la venlafaxine tout en continuant la psycho thérapie. Proposition de réponse et commentaires L’arrêt brusque d’un antidépresseur expose à un syndrome de sevrage, d’autant plus fréquent ou intense que la durée de traitement a été longue ou que les doses ont été élevées. Les symptômes de sevrage, qui durent souvent plusieurs semaines, ressemblent parfois aux symptômes qui ont motivé la prescription de l’antidépresseur. Certaines personnes, averties de ces symptômes, réus sissent à se sevrer sans accompagnement. Pour d’autres, il est utile de prévoir un accompagnement qui tienne compte notamment de l’évolution prévisible des symptômes de sevrage et d’éventuels échecs lors de tentatives antérieures d’arrêt. En pratique, il est utile d’évaluer avec Diane ses capacités à réagir ou à être soutenue en cas de survenue d’une instabilité émotionnelle. Sont à prendre en compte notamment ses conditions de vie et les possibilités de soutien par des soignants ou des proches, ainsi que l’effet de sa psychothérapie. Dans le cadre d’un sevrage d’un antidépresseur, il est en général préconisé de diminuer la dose quotidienne d’anti dépresseur par paliers de 10 %, voire de seulement 5 %, toutes les 1 à 4 semaines, à adapter en fonction des sym ptômes ressentis par chaque patient. Pour Diane, un premier palier avec une dose quotidienne de l’ordre de 135 à 140 mg pendant une semaine semble raisonnable, en prévoyant un rendez-vous fixé après une semaine pour faire un point sur les éventuels symptômes ressentis. GRAINES DE PRATIQUE Comment organiser avec Diane l’arrêt de la venlafaxine ?

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Dans le cas de la venlafaxine , en France, il n’existe pas de spécialité sous forme buvable et les seules spécialités à libération prolongée (LP) disponibles à un dosage inférieur à 150 mg sont des gélules LP dosées à 37,5 mg ou à 75 mg. Pour le sevrage de venlafaxine , le recours à la préparation magistrale de gélules LP de venlafaxine permet de diminuer progressivement le traitement médicamenteux. Pour chaque palier envisagé, le dosage des gélules LP à préparer et la durée de prise sont à préciser de façon explicite sur l’ordon nance, afin de limiter le risque d’erreur de compréhension et de sécuriser la dispensation. Un “calendrier de décroissance” et l’utilisation d’un pilu lier sont parfois utiles pour éviter des erreurs de doses. Commentaires de la Rédaction. Depuis 2012, en raison de mésusages, les préparations magistrales de venlafaxine sont interdites, sauf « dans les indications prévues par l’AMM aux seules fins d’une adaptation galénique et/ou posologique spécifique aux personnes souffrant de troubles de la déglutition ou dénutries ». En pratique, les pharmacies qui sous-traitent les préparations magistrales de gélules LP de venlafaxine acceptent de les réaliser dans le cadre d’un sevrage de venlafaxine , sous réserve que le médecin pres cripteur précise que ces préparations sont demandées pour cet usage : par exemple, en rédigeant une attestation sur papier libre au moment de la prescription, à communiquer au pharmacien ; ou en complétant un formulaire transmis par la pharmacie qui sous-traite la préparation magistrale de gélules LP de venlafaxine et en le lui retournant. Le remboursement de telles préparations magistrales n’est ni exclu, ni explicitement prévu par l’assurance ma ladie. Sur l’ordonnance, l’ajout par le médecin de la men tion « Préparation à but thérapeutique en l’absence de spécialité équivalente disponible » est nécessaire pour leur remboursement. En cas de défaut de remboursement, un examen du caractère remboursable de la préparation magistrale peut être demandé auprès du service médical de l’assurance maladie. ©Prescrire Pour aller plus loin • Prescrire Rédaction “Arrêt d’un antidépresseur. Planifier une diminution progressive des doses” Rev Prescrire 2021 ; 41 (450) : 288-290. • Prescrire Rédaction “Substances détournées à des fins amaigris santes : préparations interdites” Rev Prescrire 2013 ; 33 (353) : 179-180. • Centre belge d’information pharmacothérapeutique “Arrêt progressif des antidépresseurs : lignes directrices” juin 2022 : 11 pages. • Assurance mala die “Préparations magistrales et officinales” Site ameli.fr consulté le 12 sep tembre 2023. • Assurance maladie “Préparations magistrales et officinales” Site ameli.fr consulté le 12 septembre 2023. Rev Prescrire • Décembre 2023

COGITATIONS

P age 18 • L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2024 • T ome 44 N° 491 bis

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