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Indépendance : le creux de la vague
C ette année, je me suis lancée dans un DIU ( a ) (diplôme interuniversitaire) de médecine dans l’idée de compléter mes connaissances, de faire valoir ce diplôme pour un éventuel projet de santé collectif et aussi dans l’idée secrète de me faire de nouvelles connaissances de réseau de soignant·es. J’ai été très enthousiaste à l’idée de retourner sur les bancs de la fac, sur mon petit promontoire de “médecin déjà en exercice”, qui plus est “en libéral” (la classe !), de pouvoir gratter sur du papier blanc 80g/m 2 et de lever la main pour poser une question de terrain un peu lourde... En fait, je suis entourée de collègues installées aussi, qui m’ont l’air d’en savoir bien plus que moi. Le premier jour me laisse très surprise d’assister à une heure et demie de marketing promotionnel par un organisme de gestion agréé (OGA). Un OGA est une entreprise ou une association agréée qui audite les comptabilités des entreprises et contrôle les déclarations faites à l’administration fiscale. On assiste au ballet millimétré des commerciales de cette boîte privée qui ne dirait pas non à quelques client·es en plus. En effet, le DIU étant adressé à des soignant·es pour qui adhérer à un OGA est fiscalement avantageux, il peut être utile (voire fructueux !) pour un tel OGA de se présenter en personne et se faire de la pub à pas cher devant un parterre de captif·ves. Est-ce que cette prestation est facturée à la fac ? Est-ce que je peux poser cette question sur l’espace numérique des enseignements où notre avis sur le contenu de la formation est demandé ?
Au cours de la journée et de celles qui vont suivre, j’essaie de faire attention aux noms de médicaments que les intervenant·es emploient. Au départ, les diapos font la part belle aux dénominations communes internationales (DCI) c’est-à-dire au nom de la molécule active permettant d’identifier rapidement la classe de médicament, évitant les noms commerciaux rattachés au laboratoire. Et puis, au fur et à mesure, quand la glace est brisée et que l’air de la salle préfabriquée commence à bien se saturer en CO 2 , les mauvaises habitudes reviennent en boomerang. On envoie du Daselori ® , du Crimbel ® , du Kurnava ® ( b ) par petites touches, puis on y va franchement. On se parle en codé, on fait vraiment les installé·es, c’est vrai, qui ne connaît pas le Rumoli ® , hein ?T’en mets combien toi : 2 comprimés 2 fois par jour ? Moi pareil. D’ailleurs, ces noms de fantaisie sont de plus en plus étranges. J’imagine les réunions remue méninges des équipes marketing des laboratoires faire des jeux créatifs pour trouver un truc qui sonne. Ça doit bien rigoler. Mais alors que la génération précédente des noms commerciaux de médicaments s’appuyait (un peu) sur les noms des molécules, les dernières trouvailles tendent à brouiller totalement les pistes. Il pourrait s’agir d’un nom de voiture stylée ou d’un plat exotique.
Rev Prescrire • Avril 2022
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L a revue P rescrire (É dition découverte ) • S eptembre 2022 • T ome 42 N° 467 bis • P age 15
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